Byzance
Walkyries », songea Haraldr. Mais il trouvait de la beauté dans cette musique quand il songeait à la façon dont ses hommes liges s’étaient engagés sans hésitation à rester à ses côtés, malgré la lâche capitulation de l’empereur. À présent, ils se battaient pour lui, et pour leur propre honneur. Ils ne resteraient pas dans l’histoire comme les Varègues chassés de Miklagardr ainsi que des chiens battus.
Le décurion Stefnir Hrafnrson arriva en courant de la porte nord du vestibule encore légèrement entrouverte. Il tendit à Haraldr un document roulé.
— Le nouveau grand domestique, confia Haraldr à Halldor en brisant le sceau de plomb.
Il lut le texte rapidement puis releva les yeux.
— C’est Ducas qui a été nommé grand domestique. Vous vous souvenez de lui, bien sûr. Un homme de paille des dynatoï dans la tradition de Dalasséna. Ses hommes ne se battront pas de bon cœur pour lui, mais comme ce sont de bons soldats, ils se battront. Ducas écrit très bien. Il invite les hommes de la Grande Hétaïrie à se rendre et à terminer cette journée avant qu’elle ne commence.
Haraldr se tut et son silence fut ponctué par le grincement des pierres de meules sur l’acier du pays des Huns.
— Décurion, dit-il à Hrafnrson, faites rédiger une réponse. Dites au grand domestique de se préparer pour le jour le plus long de sa vie.
Haraldr renvoya ses officiers et monta les deux volées de marches de marbre conduisant au toit du Gynécée. Ulfr se tenait sur la terrasse qui faisait le tour de la vaste coupole à colonnes de laquelle l’impératrice et ses dames de compagnie regardaient les courses de l’Hippodrome. La masse énorme et vide du stade s’étendait au-dessous d’eux vers le nord. Le soleil se trouvait à trois heures au-dessus de l’horizon et les dômes du Palais autour d’eux semblaient enduits de vif-argent. Aucune voile, aucune coque peinte ne tachait l’azur du Bosphore ; le bruit avait couru sur les quais qu’il se préparait une bataille navale entre les partisans de l’empereur et la Marine impériale, dont on apercevait les rangées de dromons pareils à des miniatures dans le port lointain du Néorion. La masse sombre isolée de la tour maudite se dressait derrière les taches rouges et blanches des bateaux comme l’unique colonne restante d’un temple construit en des temps lointains par une divinité maléfique. Haraldr remercia le Pantocrator de lui avoir permis d’aimer une femme assez courageuse pour préférer la mort aux portes noires du Néorion. Que le Christ le pardonne, mais il plongerait lui-même sa dague dans cette poitrine aimée plutôt que de l’abandonner à cette tour sinistre. Ulfr parcourut des yeux l’horizon vers le nord.
— Je pense que Joannès arrivera bientôt, dit-il à Haraldr sans détourner les yeux de la mer. S’il doit y avoir des combats, il voudra qu’ils commencent au plus tôt. Je suis certain qu’il compte faire son entrée triomphale avant la nuit.
Haraldr lança un rire de mépris.
— L’orphanotrophe attendra au port de Bucoléon de nombreuses journées avant de faire cette entrée. Et ce jour-là, il devra grimper par-dessus les cadavres de sa Taghmata impériale. Les défenses que vous avez préparées avec Halldor sont excellentes.
Ulfr se retourna, quelqu’un montait l’escalier.
— Grégori ! s’écria Haraldr, vous êtes venu planer avec les aigles du Nord ?
Il avait cherché un bon prétexte pour envoyer le brave petit interprète en un endroit sûr, puis avait jugé que Grégori prendrait cela pour une insulte.
— Je crains que vous n’ayez envie de voir si je peux vraiment m’envoler de ce perchoir quand vous entendrez ce que j’ai à vous dire, hétaïrarque, répondit Grégori sans son sourire habituel. Tout d’abord, j’ai découvert le signal que Joannès donnera à la Taghmata pour commencer l’attaque. La trirème impériale hissera un drapeau noir au mât central avant d’accoster au port du Bucoléon.
— La couleur qui convient, répondit Haraldr. C’est un renseignement important, grand interprète, pourquoi croyez-vous que je vous jetterai par-dessus la balustrade ?
— C’était simplement la fleur sur le tas de crottin, hétaïrarque. Le renseignement qui va vous faire boucher les narines est celui-ci : personne n’a vu le nobilissime ce matin. Et on l’a aperçu la nuit dernière dans des auberges près du quartier pisan. À la
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