Byzance
ne découvre ce qui s’est passé.
Maria releva vers lui des yeux pleins de larmes.
— Comment allez-vous… vous enfuir ?
— Je ne peux pas descendre avec vous, répondit Haraldr. Il y aura trop de gardes. Ils vous prennent toujours pour un prêtre et une nonne. Ils savent que je ne dois pas partir.
Il parcourut la salle des yeux : il y avait des cordes parmi les instruments de torture.
— Je passerai par le haut.
Il lâcha Maria et commença à rassembler ce qu’il lui fallait. En quelques mots, Maria et Siméon le mirent au courant des événements incroyables qui s’étaient produits en son absence : le bannissement de Zoé et les accusations lancées contre le patriarche ; l’insurrection de la ville ; la présence de ses Varègues et d’une armée de citoyens à l’Hippodrome. Quand Haraldr eut réuni ce qu’il lui fallait, il enveloppa le tout dans une des tuniques des Petchenègues et il accompagna Maria et Siméon jusqu’à l’escalier.
— Partez maintenant, murmura-t-il.
Maria hésita. Elle se jeta à son cou et s’accrocha de toutes ses forces.
— En nous séparant, nous tentons le destin, chuchota-t-elle, d’une voix rauque. Le destin ne vous rendra pas toujours à moi ; il n’est pas généreux à ce point.
Haraldr s’arracha à son étreinte et regarda fixement les yeux en feu de la jeune femme.
— Les dieux servent ceux qui obéissent à leurs appels. Vous l’avez prouvé en me rendant la vie. Partez, partez.
Elle se retourna, lui lança un dernier regard, puis Siméon l’entraîna doucement dans l’escalier. Elle avait disparu avant que les dieux ne murmurent à Haraldr qu’il ne la reverrait peut-être jamais.
Haraldr monta la dernière volée de marches. Comme il s’y attendait, l’escalier s’achevait sur une trappe d’acier. Il brisa le cadenas avec le maillet d’acier qu’il avait trouvé dans la salle des interrogatoires, et il grimpa sur le toit. Le vent sifflait et il vit aussitôt les incendies dans la ville. Il s’arrêta un instant, saisi par ce spectacle. Les palais des dynatoï, éventrés, s’écroulaient comme des coques vides. Vers le sud, des milliers de torches allaient et venaient autour de l’Hippodrome.
Haraldr regarda par-dessus le parapet bas qui entourait le toit. Le sol se trouvait à douze étages au-dessous ; les murailles de la cour formaient une surface lisse de rocher gris avec une seule bande de petites fenêtres à l’étage inférieur. Avec le maillet, Haraldr enfonça une tige d’acier – peut-être celle qui avait failli lui brûler les yeux – dans un joint entre deux pierres. Il fit passer une longueur de corde par-dessus la tige et fixa l’autre bout sous ses bras. Il attacha la tunique contenant son outillage sur son dos et rampa par-dessus le mur. « Odin, Christ », pria-t-il. Il lâcha le parapet et laissa la corde se tendre sous son poids. Le fer et la pierre crissèrent légèrement, comme un insecte en train de mourir.
En enfonçant des tiges de fer chaque fois qu’il parvenait au bout de sa corde, Haraldr descendit en rappel jusqu’à une douzaine de coudées du sol. Puis il se trouva à court de tiges de métal. Il décida de sauter. Mais l’atterrissage fut dur. Il entendit des cris dans la rue, du côté de l’ouest : des Khazars, une douzaine. Il n’attendit pas pour satisfaire leur curiosité. Il y avait sur sa gauche un petit parc boisé qui s’étendait vers le sud en direction de l’église de Sainte-Irène. Le parfum frais des arbres l’engloutit. Il entendit encore des cris et comprit que les Khazars le suivaient. Il sauta par-dessus plusieurs rangées de buissons et aperçut les hautes fenêtres brillamment éclairées de l’abside de Sainte-Irène. Il traversa la pelouse entourant l’église. Sur sa gauche, les fenêtres de Sainte-Sophie brillaient comme des plaques d’or dans la nuit. Des cris montèrent de la cour emmurée du côté sud de l’église. Il se retourna : les Khazars l’avaient suivi sur la pelouse. Il en entendit d’autres qui contournaient l’édifice par le nord. Il semblait y en avoir partout.
Haraldr bondit sur l’appui des immenses fenêtres. D’un coup de pied, il fit voler les vitres et les croisillons de bois. Il sauta. Il atterrit au milieu d’un groupe de prêtres en prières ferventes. Ils étaient assis en rangs juste derrière l’autel, comme de coutume. Haraldr saisit la robe du premier prêtre sur lequel il put poser la
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