Byzance
bouffée violente de désir. Cet officier aux yeux bleus devait être l’amant de Maria, et il l’imagina nue, en train de se tordre de passion.
Nicéphore Argyros s’avança et posa la main sur le bras de Haraldr. Il se tourna vers ses invités, leur parla, ce qui provoqua de leur part un rire poli, mais il entraîna Haraldr hors du cercle.
— Mon maître leur a dit, traduisit la Marmotte, qu’ils pourront examiner l’agent blond de notre destruction pendant le dîner, mais que pour le moment il devait discuter avec vous de l’élimination des ennemis de Nicéphore Argyros.
* *
*
La Marmotte et Haraldr s’assirent derrière une grande table d’ivoire. Nicéphore Argyros resta debout, devant un mur couvert d’une mosaïque vraiment extraordinaire. C’était une carte du monde, comme Haraldr n’en avait jamais vu bien qu’il se soit fait une idée de la disposition des pays. Tous les noms étaient en grec, mais il parvint à leur donner un sens. L’aigle doré désignait certainement la Ville impériale. Il reconnut la fente bleue du Bosphore, l’ovale de la mer de Rus, l’Estlande, la Suède, la Norvège, l’Anglie, et même l’Islande. Mais où donc était le Groenland, et plus à l’ouest, le Markland et le Vinland ? Ces Griks ne savaient pas tout, se dit-il. Pourtant ils avaient représenté de vastes espaces du Blaland et du Serkland. Le Serkland s’étendait si loin vers l’est qu’il semblait envelopper la moitié de l’orbe du monde. Stupéfiant.
L’anneau-sceau en or de Nicéphore Argyros frappa la mosaïque à un point situé juste au-dessous des terres en forme de botte qui semblaient le pays des Langobards, ou Lombards. Il aboya un seul mot, que la Marmotte traduisit aussitôt.
— Des pirates !
Nicéphore Argyros cracha quelques mots de plus, presque comme s’il était furieux contre Haraldr.
— Des Sarrasins, oui. En Afrikka, c’est-à-dire Blaland. Euh. Des hommes de Mahomet. Des hérétiques, bafouilla la Marmotte.
Haraldr hocha la tête. Des pirates sarrasins sillonnaient les mers au large de Blaland. Il avait entendu des récits à ce sujet depuis son enfance. On les disait fourbes, méchants, avec des bateaux plus rapides que les narvals. Mais les Griks, avec leurs dromons qui crachaient le feu, ne devaient craindre aucun de ces pirates.
Nicéphore Argyros se lança dans un long discours qui semblait une longue récitation de dates, de noms et de chiffres.
— Il énumère les cargaisons perdues à cause des Sarrasins l’an passé. Il dit qu’il a dû vendre trois bonnes propriétés dans le thème de Bucellarion ainsi que son monastère à côté de Chrysopolis, simplement pour couvrir ses pertes.
— Monastère ? demanda Haraldr.
La Marmotte le regarda d’un air incrédule.
— Une communauté de moines… En robes noires, dit-il comme s’il parlait à un enfant retardé. Des hommes qui consacrent leur vie au Christ.
« L’étrangeté de ces Griks n’a décidément pas de fin ! » se dit Haraldr. Ces robes noires sont les sorciers de Kristr, et des hommes riches peuvent les acheter et les vendre comme des chaînes d’esclaves petchenègues.
Nicéphore Argyros tapa sur la mosaïque d’un doigt impatient.
— Il vous offre dix bateaux rapides avec le matériel et les provisions, vous garantit un solidus par homme, et trente pour cent de tout le butin au-dessus de vingt solidi par homme.
— Combien vaut un solidus ? demanda Haraldr froidement.
Il avait l’intention de discuter ferme, comme il avait vu faire son frère Olaf en plus d’une occasion.
Nicéphore Argyros ouvrit un petit placard intégré dans le mur à côté de la carte. Il en sortit un sac de peau souple, le déposa sur la table, prit à l’intérieur une petite pièce d’or, la tendit entre deux doigts et dit :
— Solidus.
Haraldr réfléchit. Vingt solidi faisaient une somme considérable, quoique seulement une fraction du droit d’entrée dans la Garde impériale. Mais en arraisonnant des pirates chargés de butin, ils pourraient tous gagner des fortunes.
— Vos bateaux ? demanda Haraldr. Décrivez leur construction, le nombre de bancs, l’armement, leur état.
Nicéphore Argyros se mit à énumérer les spécifications. Il s’agissait de galères légères comme celles qui avaient accueilli la flotte de Rus dans le Bosphore : trente bancs, la taille d’un dragon du Nord. Ils avaient de plus gros bateaux, mais Haraldr devait comprendre que seuls
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