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Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
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Argyros dînèrent dans des assiettes d’argent repoussé, décorées de scènes de légendes, et burent dans des gobelets d’agate sculptés, rehaussés d’argent et de perles. Pour Haraldr, ce fut une aventure délicate : il ne savait pas ce que l’on devait manger avec les doigts – comme les petites baies, la laitance de poisson et les autres plats curieux servis avant le repas – et ce qu’il fallait prendre avec la cuillère et le fourchon d’argent placés à côté de l’assiette de chaque convive. Il observait les gestes des autres mais ces instruments compliqués s’avérèrent difficiles à manier.
    Quand il n’était pas absorbé par les difficultés de la table, Haraldr observait Maria à la dérobée. Son nez à lui seul était une œuvre d’art fascinante. Étroit, avec une palpitation imperceptible – érotique – des narines… Une déesse, auprès de laquelle Elisevett et Serah auraient paru des suivantes, mais elle se tenait avec ses deux compagnons des Scholae comme une prostituée. Elle leur touchait les mains et se frottait à leur épaule.
    Au bout d’un moment. Maria croisa le regard de Haraldr. Contraint par une force qui monta soudain en lui, il ne détourna pas la tête. Elle ne fit aucun geste, n’exprima rien, mais ses yeux bleu cobalt attirèrent le jeune homme dans leur feu glacé. Il éprouva le même frémissement qu’au contact de la peau de Serah, sauf que la sensation pénétra son âme. La voix dans sa tête parla si clairement qu’il se demanda si les autres ne l’avaient pas entendue. Interdit, il ferma les yeux un instant et une vision fantastique apparut : un mélange d’images fugitives, à peine discernables. Il sentit comme un choc dans sa nuque et cessa de respirer. Ses yeux s’ouvrirent soudain et il passa machinalement la main derrière son cou. Rien. Maria le regardait encore. Ses lèvres s’adoucirent en un vague sourire de satisfaction, comme si elle était consciente de la vision provoquée par ses pouvoirs. La voix parla de nouveau, cette fois aussi doucement qu’une caresse de soie.
    Des cris rompirent cette irrésistible magie. Déçu et soulagé à la fois, Haraldr se tourna vers le brouhaha à l’entrée de la salle à manger. Un géant en robe noire et haute coiffure noire – un moine, se rappela Haraldr – surgit soudain, penché en avant comme s’il était près de tomber, mais repoussa de ses bras immenses, de forme étrange, les eunuques vêtus de soie, déconcertés, qui essayaient de le retenir. Le moine noir fit plusieurs pas hésitants vers la table, puis regarda les invités, tandis que ses épaules continuaient de tourner comme s’il allait chanceler.
    Comme les autres moines que Haraldr avait vus, il avait la peau aussi fine que celle d’une femme, mais ses traits étaient grossiers, déformés, presque monstrueux : un nez aussi long et gonflé qu’un bec d’aigle ; une lèvre supérieure aussi mince qu’un trait de gravure ; une lèvre inférieure épaisse, presque violette ; une mâchoire grotesque, lourde, bestiale. Ses sourcils bruns en broussaille tombaient jusque sur ses petits iris noirs, et ses yeux roulaient comme s’il était saisi d’une rage maniaque. Au bout d’un instant, Haraldr s’aperçut que ce sinistre moine-monstre n’était pas rasé de près : c’était un eunuque.
    La voix stridente du moine roula vers la table, et le ton empâté de sa voix renforçait la menace latente dans ses propos. Un homme au teint basané somptueusement vêtu, en face de Haraldr, inclina la tête vers la joue peinte de sa compagne et lui murmura ses commentaires au discours du moine. Haraldr tenta de reconnaître des mots ou des noms, et fut surpris d’entendre « Joannès ». Le même Joannès dont il avait déjà entendu le nom si souvent ?
    Le moine entendit également le nom et la rage qu’exprimaient tous ses traits redoubla. Sa réponse explosive fut entièrement verbale, mais les phrases retentissantes touchèrent l’homme au teint basané dans son corps même. Il releva la tête, sa peau sombre devint grise. Il se leva, tremblant de tous ses membres, s’inclina devant Nicéphore Argyros et entraîna hors de la pièce son épouse manifestement terrifiée.
    Le moine continua sa diatribe. Quelqu’un renversa un gobelet de vin et plusieurs invités rirent nerveusement. Maria releva son nez ravissant et s’essuya les lèvres avec une serviette de fil. Elle parla au moine d’une voix

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