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Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
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Rouge et décomposé par la souffrance.
    — J’ai suivi la galère impériale. J’ai pensé que vous y seriez.
    Il jugea inutile de lui rappeler qu’il essayait de la voir depuis des semaines et que ses serviteurs et ses gardes avaient repoussé toutes ses tentatives.
    — C’est ma villa, dit Maria.
    Elle se tenait sous le portique, bras croisés sous ses seins, comme pour défendre son territoire. Derrière elle, les grandes villes sur les deux rives du Bosphore semblaient encadrées par des nuages de pluie. La villa se trouvait du côté asiatique, au nord de Chrysopolis.
    — Je ne veux pas de toi ici, lança-t-elle.
    Des larmes de confusion emplirent les yeux sincères du jeune homme.
    — Je ne peux pas jouer ce jeu plus longtemps. Sans vous, je ne suis plus rien. Il faut que vous… Je vous en supplie.
    Maria s’avança vers lui, la mâchoire serrée.
    — Je connais des jeux plus amusants. Ce n’est pas le jeu de l’amour, mon petit. J’ai refusé de te voir parce que je n’ai pas envie de te voir.
    Giorgios avala sa salive comme s’il allait tenter un exploit athlétique.
    — Vous m’avez dit que vous m’aimiez. Ce que nous avons fait ensemble…
    — Crois-tu que tu es le seul avec qui j’ai fait ces choses-là ? Tu m’as vue les faire avec Alex, non ? Et je le méprisais. Si tu savais de quels hommes j’ai été la pute, ça te rendrait malade. Et ce que je leur ai demandé de me faire. Et ce que je leur ai fait.
    Giorgios bondit vers elle, lui prit les bras et se mit à la secouer comme une poupée de son. Quand il s’arrêta, sa lèvre inférieure tremblait.
    — Pourquoi m’avez-vous dit que vous m’aimiez ? Vous devez me mépriser moi aussi.
    — Mais je t’aimais.
    — Alors pourquoi ?…
    — Pourquoi je ne t’aime plus ? lança-t-elle. Tu étais beau seulement quand je te faisais souffrir. Tu étais vraiment vivant seulement quand je te torturais. Je me suis lassée de te créer ainsi à chaque fois.
    Maria baissa les yeux. Le ton de sa voix exprimait une horrible mélancolie.
    — Je me suis aperçue que je peux aimer seulement un homme dont je n’ai pas à engendrer la souffrance. Un homme accablé d’une douleur que je ne saurais comprendre. Il faut alors que j’entre en lui comme il entre en moi pour trouver l’épine qui a empalé son âme. En toi, je ne pouvais trouver que moi-même.
    Ses dents, pareilles à des perles, mordillèrent sa lèvre couleur de vin.
    — Et je suis vide, dit-elle. Vide, froide et sombre comme un précipice.
    — Il y a un autre homme ?
    Le ton de Giorgios, curieusement, exprimait de l’espoir. Comme s’il se sentait capable de surmonter cette éventualité. Ce qui le déconcertait et l’effrayait, c’était l’extrême froideur de l’attitude de Maria.
    — Il n’y a personne. Tu as été le dernier homme dans mon lit. Si je pouvais en même temps t’aimer et être gentille avec toi, je t’aimerais encore.
    La bouche de Giorgios trembla d’angoisse. Il serra doucement les épaules de la jeune femme et, quand il ferma les yeux, des larmes coulèrent sur ses joues. Elle lui prit les deux mains et les enleva de ses épaules.
    — Adieu, Giorgios.
    Un étrange sanglot assourdi sortit de la gorge du jeune homme et il tomba à genoux. Le bout de son fourreau de bronze cliqueta sur les dalles de marbre. Il dégaina et d’une main tremblante porta l’épée contre sa gorge.
    — Je vais vous montrer la blessure de mon cœur ! gémit-il. Je veux que vous voyiez la preuve de ma douleur !
    Son cou s’appuya contre l’acier poli.
    Les yeux de Maria ne trahirent aucun intérêt. Ils semblaient ternis par le reflet plombé des nuages dans le Bosphore.
    — J’ai froid, Giorgios. Je rentre. Je t’en prie, va-t’en avant que j’appelle mes gardes.
    Elle s’éloigna d’un pas vif et disparut entre les colonnes. Au bout d’un moment, Giorgios baissa son épée et continua de sangloter doucement toujours à genoux. Il partit une heure après la tombée de la nuit.
    * *
*
    La petite « armée du spectacle » d’Euthymios mettait la dernière main au théâtre installé dans la cour. La scène qu’ils avaient construite, avec son proscenium doré et ses rideaux de brocart, était aussi splendide que le palais d’un roi du Nord. Ni Haraldr ni ses hommes ne pouvaient deviner à quoi servirait le reste des accessoires que l’« imprésario » avait réunis, mais les Varègues qui avaient déjà jonché la cour

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