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Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Titel: Cadix, Ou La Diagonale Du Fou Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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glisse deux pistolets dans le large ceinturon de cuir
qui ceint sa veste noire, assure son sabre et part rejoindre l’équipe
d’abordage, qui, armée de coutelas, espingoles et pistolets, se prépare à
embarquer dans la chaloupe. Avec cette cargaison et ce pavillon, aucun tribunal
ne discutera la légitimité de la prise. La nouvelle a déjà couru le long du
pont : excités par la perspective d’un bon butin sans effusion de sang,
les matelots plaisantent et donnent des tapes dans le dos de Maraña et de ses
hommes.
    Prenant la longue-vue à côté de l’habitacle, Pepe Lobo la
déploie, colle un œil à l’oculaire et jette un coup d’œil sur la poupe haute et
fine de l’autre navire, dont l’équipage rassemble la toile tombée sur le pont
et cargue le reste. Sous le mât d’artimon, trois hommes contemplent le cotre
avec une expression désolée. L’un d’eux, caban noir, barbe épaisse et chapeau à
bord court, semble être le commandant. Derrière lui, sur l’autre bord, un
pilotin ou un mousse jette quelque chose à la mer. Peut-être un livre de codes
secrets, du courrier officiel, une lettre de marque française ou tout cela à la
fois. À cette vue, Lobo appelle le maître d’équipage Brasero, resté près des
canons.
    — Bosco ?
    — À vos ordres, commandant !
    — Dites-leur au porte-voix que tous les hommes aillent
à l’avant !… Et que s’ils envoient encore quelque chose à la mer, ne
serait-ce qu’un crachat, on leur lâche une autre bordée !
    Pendant que Brasero répète l’ordre, crachat compris, le
capitaine de la Culebra surveille la mise à l’eau de la chaloupe.
L’équipe d’abordage est déjà à bord, et les hommes ajustent les avirons aux
tolets tandis que Maraña déborde l’embarcation. Pepe Lobo regarde ensuite dans
la direction de la côte marocaine, invisible malgré la clarté du jour et l’horizon
dégagé. Une fois le chamberquin amariné, il a l’intention de s’approcher un peu
du continent et de jeter un coup d’œil, au cas où une nouvelle occasion se
présenterait – ce sont de bonnes eaux pour la chasse – avant de
changer de route et d’escorter la prise.
    — Ohé, le pont !… Voile par le travers de
tribord !
    Contrarié, le corsaire lève les yeux. Sur la hune, la vigie
indique le nord.
    — Quel genre de navire ?
    — Deux mâts, je crois. Voiles carrées, grandes, avec
tout dehors.
    Suspendant la longue-vue à son épaule, Lobo, inquiet,
parcourt la moitié du pont, sous la bôme qui oscille avec la grand-voile
partiellement carguée. Puis, montant sur la lisse, il grimpe un peu aux
enfléchures, déploie de nouveau la longue-vue et regarde dedans, en essayant
d’adapter son pouls et sa vue au mouvement que la houle impose à la lentille.
    — C’est un brigantin ! annonce la vigie, au-dessus
de sa tête.
    Le cri arrive juste une seconde avant que Pepe Lobo
n’identifie le gréement du navire qui approche rapidement grâce au fort levant
qui tend sa toile. Et c’est bien un brigantin. Il navigue avec focs, huniers,
grand et petit perroquets, à environ cinq milles, et il marche à vive allure,
recevant le vent par bâbord. C’est encore impossible de distinguer le pavillon,
si tant est qu’il en porte un ; mais ce n’est pas nécessaire. Lobo ferme
les yeux, lâche un juron, les ouvre de nouveau et regarde dans la longue-vue.
Il lui semble reconnaître l’intrus. Il a du mal à croire à sa malchance, mais
la mer est prodigue de ce genre de parties où tantôt l’on gagne, tantôt l’on
perd. La Culebra vient de perdre.
    — Faites remonter l’équipe d’abordage !… Tout le
monde à la manœuvre !
    Il crie les ordres tout en se laissant glisser par un hauban
et, à peine les pieds sur le pont, il se dirige vers la poupe sans prêter
attention aux hommes qui le regardent, perplexes, ou s’arrêtent un moment sur
le bord pour scruter l’horizon. En chemin, il croise Maraña qui est rentré et
lui adresse une question muette. Lobo se borne à indiquer le nord d’un mouvement
du menton, et il n’en faut pas plus au second pour comprendre.
    — Le brigantin de Barbate ?
    — Possible.
    Maraña le regarde un instant, inexpressif. Puis il se penche
sur la lisse au-dessus de la chaloupe, dont les matelots, les mains sur les
avirons, se retiennent par une gaffe aux cadènes et lèvent des visages
interrogateurs sans savoir ce qui se passe.
    — Tous à bord ! Remontez la chaloupe !
    Il pourrait

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