Cadix, Ou La Diagonale Du Fou
maison,
dit-il enfin. Et pas la moindre trace. Personne ne sait rien. Personne ne l’a
vu… La seule chose dont nous avons pu avoir confirmation, c’est qu’il est
blessé. Vous ne l’avez pas raté.
Tizón marche un peu, en balançant sa canne. Furieux. Des
hommes sont en faction aux extrémités de la rue et aux portes de certaines
maisons : une vingtaine d’agents et de vigiles répartis sur les lieux,
contrôlant tout sous le regard des habitants qui les observent avec curiosité
de leurs balcons et de leurs fenêtres. Cadalso indique un porche voisin du
carrefour.
— Quand il a posé une main là, il a laissé une trace de
sang. Et une autre plus loin.
— Vous avez vérifié que ce n’est pas un habitant de la
rue ?
— Avec le registre municipal et la liste du quartier.
Nom par nom. – Cadalso montre les gens qui regardent. – Personne
n’est blessé. Et personne n’est sorti cette nuit après dix heures.
— Ce n’est pas possible. Je l’ai forcé à entrer dans
cette rue. Et je n’ai pas bougé jusqu’à ce que tu arrives en lançant des coups
de sifflet avec cette bande d’inutiles.
Il va jusqu’au porche et observe la tache brunâtre sur
l’encadrement blanchi à la chaux. Trois doigts et la paume d’une main. En tout
cas, pense-t-il avec une satisfaction mauvaise, un de ses deux tirs a fait
mouche. L’oiseau a du plomb dans l’aile.
— Est-ce qu’il n’aurait pas pu s’échapper en profitant
de la brume, monsieur le commissaire ?
— Je te dis que non, crétin. Je l’ai suivi de près, et
il n’a pas eu le temps d’arriver au bout de la rue.
— Nous avons établi un cordon autour des deux pâtés de
maisons, à gauche et à droite.
— Et vérifié aussi les caves ?
En douter est insultant, indique l’expression choquée du
sbire. Quand même, on connaît son métier.
— Passées au crible. Nous avons même retourné les
bûches et le charbon.
— Et les terrasses ?
— Toutes inspectées. Une par une. Nous avons encore des
gens en haut, à toutes fins utiles.
— Ce n’est pas possible.
— Alors dites-moi quoi faire.
Tizón frappe le sol de sa canne avec impatience.
— Je suis sûr que vous avez commis une erreur quelque
part.
— Je vous dis que non. Croyez-moi. Tout a été fait
selon vos ordres. Je m’en suis assuré personnellement. – Le sbire,
déboussolé, se gratte la tête. – Si au moins vous aviez vu son visage…
— C’était à toi de le voir, quand il t’est passé sous
le nez. Imbécile.
L’homme baisse encore la tête, blessé. Moins par l’injure
que par le scepticisme de son chef. Se désintéressant de son adjoint, Rogelio
Tizón descend la rue en regardant de tous côtés.
— Quelqu’un a dû ne pas faire attention, murmure-t-il.
C’est évident.
Cadalso marche derrière lui, oreilles basses. Collé à ses
talons comme un toutou fidèle derrière le maître qui le bat.
— On peut tout imaginer, monsieur le commissaire,
admet-il finalement. Mais je vous jure qu’on a fait tout son possible. Cette
nuit, nous avons tout bouclé très vite. Il n’a pas pu aller loin.
Une détonation proche. Une bombe vient de tomber sur le
Palillero. Cadalso sursaute en regardant dans cette direction, et la plupart
des curieux quittent les fenêtres et les balcons. Indifférent, Rogelio Tizón
est arrivé devant la façade de l’église du Rosaire. Comme beaucoup à Cadix,
l’édifice n’est pas séparé de la rue, mais intégré à la file générale des
maisons. Seules les tours se détachent au-dessus du lourd portail de l’entrée,
grand ouvert. Cette nuit, il était fermé. Tizón pénètre à l’intérieur et
observe la chaire et les bas-côtés. Au fond, sous le retable, brille la lampe du
Saint Sacrement.
— De plus, poursuit Cadalso en le rejoignant,
permettez-moi de vous dire que moi-même j’ai pris ça… eh bien… comme une
affaire personnelle. L’impression que j’ai ressentie en entrant dans cette cour
pour pisser et en butant sur la pauvre gamine… Jésus ! Vous avez entendu
le cri que j’ai poussé pour avertir les hommes. Et encore heureux que vous vous
soyez trouvé tout près de l’individu. Sinon, il nous aurait encore échappé.
Le commissaire hoche la tête, mi-incrédule, mi-furieux. À
mesure que passent les heures, tout recommence à sentir la défaite. Une vieille
connaissance, dans cette affaire. C’est plus qu’il n’en peut supporter.
— Il s’est
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