Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
doit maintenant donner sa démission, qu’il doit le faire demain mardi au bureau exécutif, que les radicaux l’accepteront, que Jean-Jacques n’a plus qu’à aller à Nancy. Et, enfin, qu’il n’est plus question qu’il s’occupe des élections municipales.
    Il conclut avec son pessimisme naturel (c’est fou de voir à quel point cet homme jovial, chaleureux, vivant et cultivé, est en réalité sceptique, pour ne pas dire désespéré) : « Tous les radicaux iront du côté des centristes, et tous les centristes du côté du manche. »
    Je sens sa volonté de laisser tomber une bonne fois Servan-Schreiber. Je m’émeus de ce lâchage immédiat. Il éclate : « Vous ne pensez qu’au drame de Jean-Jacques ; et le mien, vous vous en foutez ? »
    Je proteste pour ne pas, en plus, envenimer les choses entre eux. Il continue : « Il n’a consulté personne, pas même moi. J’ai l’air d’un couillon ! Les socialistes font aujourd’hui de son retrait une condition sine qua non pour reprendre les pourparlers avec les radicaux. Nous abordons les municipales plus seuls que nous ne l’avons jamais été. Qu’il démissionne, qu’il parte, qu’il ne fasse plus jamais parler de lui ! »
    Il revient sur la campagne de Bordeaux : « Il ne fallait pas la politiser. À Bordeaux, il n’a pas commis uniquement des erreurs de jugement. Il a commis des erreurs de tactique : il fallait continuer à scinder la majorité, pas la ressouder ! »
    « Je vais téléphoner à François Mitterrand », dit-il pour terminer.
    Mitterrand, ultime recours ?
    J’en profite pour lui suggérer d’aller moins vite. Ne serait-il pas plus délicat d’attendre quelque temps, de ne pas statuer sur le cas de Jean-Jacques Servan-Schreiber avant le 6 octobre (quinze jours avant la première réunion de la gauche, qui doit avoir lieu à la mi-octobre) ? Je cite l’exemple de Mitterrand, que les partis de gauche ont liquidé trop vite, après Mai 68, ce qui a fait le pire effet. Le visage de Maurice Faure s’illumine. Je lui ai donné la solution.

    Autre problème : les socialistes entendent dénoncer l’apparentement de Jean-Jacques Servan-Schreiber au groupe socialiste de l’Assemblée nationale. À l’exception, bien sûr, de tous les autres radicaux.
    Je dis : « Comme pour François Mitterrand ?
    — Ah non ! me répond Maurice Faure. Mitterrand, c’est lui qui a refusé ! »

    Même jour, le soir
    « Mitterrand, dit Bernard de Fallois à l’éditeur Claude Tchou, il est comme un bateau enfermé dans le bassin d’Arcachon : il a un mât cassé, il ne peut plus prendre la haute mer, mais, à l’intérieur du bassin, il navigue merveilleusement. »

    22 septembre
    Siège du Parti radical. Nous attendons. Pourquoi diable certains font-ils déjà leurs valises ?
    Jean-Jacques est arrivé le premier, ce matin, à 9 h 45. Georges Bérard-Quelin 18 , le dernier, vers 10 h 30, le visage courroucé. Au bout de tout cela, le vote : 33 voix pour Jean-Jacques Servan-Schreiber, 9 contre. Il a gagné.
    Pendant la délibération, il n’a pas dit un mot. « Si peu, me dit Michel Soulié, qu’on a failli voter sans qu’il ouvre la bouche. C’est l’un d’entre nous, de Felice, qui a fait remarquer qu’il n’était pas légal de voter sans avoir entendu le son de sa voix. »

    15 h 30, rue Guynemer
    François Mitterrand a dîné hier soir, à 22 heures, avec ce pauvre Maurice Faure. « Il se noie facilement », dit-il sans méchanceté. Il a beaucoup d’indulgence, Mitterrand, pour Maurice Faure. Il a passé sa soirée à regonfler ce pauvre homme. Nous rions tous les deux, avec une sorte de tendresse, en pensant à lui, si inquiet, si dilettante, si – quel est son mot ? – « sceptique » face à Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Mitterrand rit peu mais il rit le plus souvent sans méchanceté. Le ridicule des autres le gêne plus qu’autre chose. Quelle ironie, en revanche, sur ces socialistes qui, dit-il, sont contraints de marcher le couteau dans le dos si les radicaux font monter les enchères pour les municipales ! « Les socialistes, dit-il, ils ne tuent jamais par-devant ! Ah ça, il ne faut pas se tourner, avec eux ! »
    Son ton, sur Jean-Jacques Servan-Schreiber, est bien différent : « Il a perdu une bataille à Bordeaux, dit-il. Mais son audience dans le pays est encore forte. Il reste un challenger. S’il sait attendre, rien n’est perdu pour

Weitere Kostenlose Bücher