Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
Pompidou, alors son directeur de cabinet, il avait 62 ans. Pompidou, lui, n’a que 55 ans.

    12 novembre – Enterrement de De Gaulle
    Chaban arrive, le visage marqué, puis Georges Pompidou : « Il cache mal sa joie », dit quelqu’un à côté de moi, qui regarde la retransmission. Les choses sont sûrement plus compliquées. C’est vrai qu’il est aujourd’hui débarrassé de la présence morale du Général, de la magistrature morale de celui-ci. Mais le Général, pour lui, ce n’était sûrement pas seulement cela. C’était vingt ans d’amitié, de combat, de réflexion commune, de fidélité. Hé oui, de fidélité aussi ! C’était la rue de Solférino, le premier étage (où, me raconte le conseiller Grégoire 28 , Pompidou allait uriner aux mêmes heures que le Général, deux fois par jour...). C’étaient les heures de méditation sur le retour au pouvoir. Pompidou, c’était aussi l’envoyé très spécial de De Gaulle auprès des Algériens. Bref, Pompidou, pour de Gaulle, a été longtemps ce que Chirac est pour lui.
    Rien n’est plus illusoire et moins réaliste que de décrire les gens sous leur aspect uniquement intéressé, mesquin, petit. Les gens ne sont jamais seulement cela. Ils sont cela, et aussi autre chose. Ils sont tous plus innocents, plus spontanés, plus vrais, moins attachés à leur petite personne qu’on ne le croit. Et les explications qu’on peut donner d’eux sont toujours plus compliquées.

    13 novembre
    Voilà, c’est fini, de Gaulle est mort et enterré.
    Valéry Giscard d’Estaing a annoncé avant-hier à Ivan Levaï qu’il voulait partir à l’enterrement à Colombey dans l’après-midi, après la cérémonie de Notre-Dame. Pompidou et Chaban, bloqués, eux, à Paris, n’ont pas apprécié. Chaban, me dit Baumel, l’a fait savoir un peu sèchement à Valéry Giscard d’Estaing dans la soirée de mardi. Jacques Chirac me dit que Pompidou était déjà furieux que Michel Debré y soit allé de sa seule initiative, le 9.
    Je trouve que Pompidou exagère. Passe encore qu’il récupère, pour son compte, tous les hommages destinés à de Gaulle. Mais qu’il soit irrité parce que Debré va à Colombey !
    Ce qui est certain, c’est que Giscard, dans ce genre de circonstances, perd tout à fait les pédales. Il ne sait pas résister à la publicité. Il n’a jamais aimé de Gaulle. Il a même contribué à sa défaite d’avril 1969. Il aurait pu s’abstenir de vouloir s’emparer de son cadavre à peine refroidi.

    La vitesse avec laquelle le public et nous-mêmes, les journalistes, nous détachons de l’événement. Au bout de trois jours, on en a déjà assez de la mort de De Gaulle, de ses funérailles, de ses images. Il est vrai que, si grande qu’ait été notre stupeur à la nouvelle de sa mort, nous savions qu’il n’était déjà plus avec nous. J’avais eu cette sensation lorsque, après le 27 avril, Paris-Match , je crois, avait publié cette photo extraordinaire dans la lande irlandaise, avec son immense cape, et Yvonne, toujours.

    13 novembre au soir
    Giscard a appelé Chirac, l’autre soir, lorsqu’il voulait aller à Colombey, et lui a demandé de partir avec lui. Pour se couvrir face à Pompidou. Évidemment, Chirac lui a répondu qu’il ne trouvait pas que c’était une très bonne idée, et qu’il valait mieux s’abstenir. Ce que Giscard a fait, finalement.
    Chirac, lui, voudrait être ministre de l’Agriculture. C’est le plus jeune décoré du Mérite agricole de France – c’est Pisani qui lui a remis cette décoration après un débat sur l’agriculture où Chirac était commissaire du gouvernement. Comme il n’avait pas 30 ans, on a dû reculer toute une promotion de quelques mois.
    Son père lui disait : « Tu as commencé dans le poireau, tu finiras ministre de l’Agriculture. »

    17 novembre
    Je rencontre Chaban dans la cour de l’Assemblée. Il fait un froid bleu et je suis légèrement vêtue. Il me conseille d’abord, gentiment, d’aller... me « rhabiller » !
    Il ne sait manifestement ni qui je suis, ni ce que je fais, mais répond à ma question sur le monopole de la télé. Lorsqu’il parle de satellites ou de cassettes enregistrées, il n’a rien de précis à l’esprit, aucune loi à proposer. Rien. Éventuellement, les cassettes permettraient un jour de contourner le monopole... ? Oui, il présenterait un texte. Visiblement, il s’en moque. Il a dans les yeux, après

Weitere Kostenlose Bücher