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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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battu aux élections législatives et qui se voit de nouveau, assez injustement, barré pour le secrétariat général de l’UDR. Il fait meilleur effet que René Tomasini, qui joue les pères de famille corses. Charbonnel ne s’attendait pas, explique-t-il à Paul-Marie de la Gorce, à ce que ce soit Toto qui se présente, mais Jean-Philippe Lecat, dont il ne veut à aucun prix. Si Tomasini est candidat, explique Charbonnel, ça change tout. Paul-Marie lui conseille de demander un rendez-vous à Pompidou. Ce que fait Charbonnel : mais on est vendredi, 18 h 15, et personne ne lui répond.

    Scène inénarrable, paraît-il, hier, entre Poujade et Charbonnel. Si Poujade est aussi « saladeur » à l’intérieur du gouvernement qu’il l’a été à l’UDR, l’éclatement ne se fera pas attendre longtemps.

    La réaction de la presse : personne ne voit, après ce remaniement, que Poujade a été en réalité liquidé par l’Élysée. On en fait l’homme du remaniement avec ce ministère de l’Environnement et de la Protection de la nature. Mais c’est tout le contraire : de cela, Georges Pompidou se moque.

    11 janvier
    J’interroge Jacques Chaban-Delmas sur le remaniement qui vient d’avoir lieu. De sa voix inimitable, métallique et nasillarde, dont je me demande toujours – bêtement, j’en conviens – comment elle a pu commander à tant de résistants, il me parle d’abord, sur le ton de la plaisanterie, de sa vie à Matignon : « Je suis plus un cheval de labour qu’un animal de steeple-chase. Je n’ai jamais été un travailleur, et ici,à Matignon, c’est le marathon. Avec une spécialité, c’est que, une à deux fois par jour, il faut courir cent mètres, et pas en quatorze secondes, mais en dix ! »
    Il arrête les comparaisons sportives. « C’est vrai, avoue-t-il, que j’ai un grand mérite. Heureusement, ce que je fais est passionnant ! »
    Et le remaniement ? Il me parle tout de suite de ce qu’il appelle l’« opération Parlement ». Il me dit que Roger Frey, depuis des mois, réclamait en gémissant de faire des choses concrètes. Et que donc on a donné sa place, je cite, au « jeune Jacques Chirac, brillant sujet » !

    14 janvier
    René Tomasini, que je rencontre ce matin pour la première fois. Grand, massif, cheveux frisés, les traits assez épais, sympathique. Il me raconte sa vie : c’est le fils d’un ancien préfet révoqué par Vichy. Il est entré dans la carrière préfectorale comme chef adjoint de cabinet en 1938. Pendant la guerre, il est chef de cabinet du préfet de Corrèze, et il devient chargé de mission au BCRA 4 , pour lequel il supervise les opérations de parachutage et d’atterrissage dans le Limousin. Arrêté à Saint-Nazaire par la Gestapo, il doit son salut à l’avancée des armées alliées en août 44, et devient directeur de cabinet de Michel Debré au commissariat de la République d’Angers.
    C’est en 1958 qu’il se présente aux Andelys, dont il a été sous-préfet. Puis il gravit l’un après l’autre les échelons du mouvement gaulliste : comité central, bureau politique, direction ; il est le cinquième homme du quintette exécutif de l’UDR avec Robert Poujade, Jean Taittinger, André Fanton et Jean Charbonnel. Il a deux passions : la chasse et le bateau – il me raconte que le sien a coulé l’été dernier au large de la Corse. Il en a acheté un autre depuis. Et sa maison familiale, où sa vieille mère réside toute l’année, porte le nom incompréhensible de « Petreto Bitschinano ».
    Son élection, qui suit mon entretien avec lui, est sans surprise. Il n’y avait qu’un seul candidat à la succession de Robert Poujade : lui. Il aurait pu être contesté par les membres du comité central de l’UDR : mais, dès qu’il est apparu, de façon certaine, qu’il était lecandidat de l’Élysée, et le candidat finalement agréé – on a vu avec quel enthousiasme – par Matignon, les obstacles que certains auraient pu mettre sur sa route ont été écartés. Sur 99 votants, ce matin, il a obtenu 89 suffrages. Le secrétaire général précédent, Poujade, avait réuni sur son nom 80 voix sur 103, soit 23 bulletins de défiance, contre 6 seulement, cette fois, à René Tomasini.
    C’est Michel Debré qui, à l’ouverture de la séance, a appuyé la candidature de Tomasini – sans doute à cause de leur action commune à Angers au sortir de la guerre. « Il nous faut, dit

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