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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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devenue politique ; elle tourne au conflit interne à la majorité.
    Mais ce n’est pas suffisant : après avoir tenté de nous faire accroire qu’il était bien le seul patron de l’UDR et que Chirac ne sortait jamais de son rôle de ministre chargé des Relations avec le Parlement, le voilà qui part sur la police et les magistrats. L’occasion lui en est donnée par une question sur les jeunes et les arrestations qui viennent d’avoir lieu. « Si, dans certaines circonstances, des actes ont été réprimés d’une façon regrettable, la faute n’incombe pas, je crois, à ceux qui sont chargés de les réprimer. Je crois qu’elle incombe à la lâcheté des magistrats. Il n’est pas possible que, chaque fois qu’une arrestation s’opère, les prévenus traduits devant la justice bénéficient de peines dérisoires. C’est inadmissible ! »
    Lâcheté des magistrats ! Suit une inénarrable corrida sur les réactions de Chaban, qui, comme le dit Chirac, de rage mange la moitié de sa moquette. Et sur celles de René Pleven, qui hurle à l’honorabilité de ses magistrats.
    Le plus drôle, c’est que « Toto », Chirac et Chaban déjeunaient ensemble chez Pompidou après cette prestation du secrétaire général de l’UDR. Mais, à ce moment-là, Jacques Chaban-Delmas n’avait pas eu le temps d’écouter les radios, pas plus que Jacques Chirac. Ils ont donc déjeuné à l’Élysée sans s’en dire un mot. Ce n’est qu’en rentrant à Matignon que le Premier ministre a appris le « scandale ». Il a immédiatement convoqué Chirac, puis, à 18 heures, Tomasini. Résultat : mise au point de Tomasini, rédigée par Chirac. Elle est le minimum de ce que pouvait faire ce pauvre « Toto » sans se déculotter. Mais c’est à la limite de ce que peut supporter Chaban.

    17 février. Colloque Edgar Faure à Antony
    Edgar Faure, puis Paul Granet, se précipitent pour enfoncer Tomasini : « Pour nous, me dit Edgar, cette histoire, c’est pain bénit ! » Pain bénit pour affirmer la distance des fauristes vis-à-vis de l’UDR.
    C’est Paul Granet qui commence de sa voix un peu métallique. Mais c’est Edgar Faure qui enfonce le clou : « Nous ne pouvons pas laisser passer sans protester certains propos, notamment ceux qui ont été tenus sur la presse et l’information, et sur les syndicats. Que nous dit-on en substance ? Que l’ORTF ne donne que des nouvellespessimistes. Mais il n’y a pas d’information lénitive. Ce n’est pas le droit des informateurs que je défends, mais le droit des informés. C’est un des compliments que je ferais à Jacques Chaban-Delmas : je suis l’interprète de mes amis en disant que nous ne sommes pas favorables à ce jugement 12 . » Sur la magistrature, Edgar prend les mêmes distances.
    Pour le reste, considérations sur la politique menée, « en retard sur le monde », tandis que « la technostructure règle les problèmes ». Formidable, d’entendre cet homme de la IV e  fustiger la « vieille politique ». Mais il le fait si bien...

    19 février
    Conversation au téléphone avec Guy Mollet qui s’en va débattre sur Europe 1 13 . Il me demande si son adversaire compte y venir accompagné d’amis. Je lui réponds que oui, effectivement, il en aura amené cinq ou six.
    « Oh, me dit-il, moi, j’aurais du mal à en trouver six ! »

    Déjeuner avant-hier avec Michel Poniatowski. Il me dit que la marche au régime présidentiel lui semble inévitable. Je lui demande ce que devient Chaban dans cette hypothèse. Il me répond, net : « Il disparaît ! »
    À son sens, s’il veut aller plus loin dans la construction d’un système présidentiel, Georges Pompidou n’a même pas besoin de changer de constitution : il lui faut prendre tout simplement un Premier ministre docile comme Guichard (ce que je conteste, au demeurant, car je ne le trouve pas particulièrement docile) ou Chirac.
    Autrement, ce que veulent Ponia et Giscard, c’est gagner une quarantaine de députés aux prochaines élections.
    « Sur qui les gagnerez-vous ?
    — Sur tout le monde, à gauche et à droite », me dit-il pour voir si je vais réagir.
    Je ris. Je lui dis : « Comment voulez-vous que je gobe ça ? Vous les prendrez sur l’UDR, je m’en doute bien ! »
    Il ne nie pas.

    19 février (suite)
    Jacques Delors me reçoit à Matignon dans un climat bizarre de grèves et de mécontentement, notamment dans les régions viticoles,

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