Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
autour de Béziers, et aussi de manifestations de jeunes ponctuées d’interpellations policières, Raymond Marcellin faisant en ce moment singulièrement sentir sa présence au ministère de l’Intérieur. Delors me parle plutôt des problèmes rencontrés par Chaban avec sa majorité. Il parle d’opération concertée d’une partie de la majorité (il ne prononce ni le nom de Chirac, ni celui de Pierre Juillet, encore moins celui de Georges Pompidou) contre le Premier ministre.
    « Ne vous y trompez pas, me dit-il, ce n’est pas simplement la personnalité de Chaban-Delmas qui est en cause, c’est sa conception de l’avenir de la France, de notre politique et de notre société. Il est déterminé à la défendre. »
    Il me dépeint un Chaban très remonté, prêt à en découdre : « L’ambiguïté ne peut pas durer, insiste-t-il. Il a été désagréablement surpris par l’attaque de Tomasini, d’autant que son bilan à Matignon est positif. Il ne se laissera pas faire. »
    Il est convaincu, en effet – et Delors aussi, inutile de le dire –, que l’ouverture est nécessaire pour donner l’impression qu’il n’y a pas d’un côté une petite partie des Français qui détient la vérité, et pas les autres.
    « Oui, confirme-t-il, il y a ouverture à l’ORTF, et il ne doit pas y avoir de confusion entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. »
    Plus largement, il réaffirme sa certitude que la société est fondée sur le dialogue, la concertation. Mais deux éléments peuvent enrayer la machine à dialogue : les spasmes violents et les groupes gauchistes issus de Mai 1968. « Le Premier ministre est décidé à faire face à ces mouvements de violence en douceur, et à manœuvrer vis-à-vis des mouvements gauchistes pour ne pas tomber dans leur piège. »
    L’UDR a le choix entre deux voies, résume-t-il. D’un côté, celle de la crispation sur les souvenirs de Mai 1968, où le mouvement a bénéficié d’une réaction positive de l’opinion. De l’autre, celle de l’ouverture : « L’autre voie, pour l’UDR, serait de devenir, tant que la gauche non communiste n’est pas structurée, un parti qui rassurerait sur le changement et assumerait l’innovation. Si elle tenait ces deux pôles, l’UDR serait là pour trente ans. Ce serait du néoradicalisme dans l’unité. »
    C’est Chaban, cependant, il le sait, qui est mis en cause aujourd’hui par le mouvement gaulliste. Non sans mauvaise foi, me dit-il : « Toute une partie de l’UDR nous reprochait, au début de la politique contractuelle, de laisser la CGT sur la touche. Aujourd’hui, la même partie nous reproche de dialoguer exclusivement avec elle. »
    Il commente les critiques de Tomasini à l’égard l’information : « Il y a des lois pour l’information. Si elles ne plaisent pas, il faut soit les changer, soit les domestiquer. »
    Il répète, revenant sur le début de notre conversation : « Tomasini n’a pas commis de gaffe, il exprime bel et bien un courant. Mais Chaban ne se laissera pas faire : sur une question comme celle-là, il partira, il quittera Matignon s’il le faut. »

    22 février
    Apéritif-débat avec Alain Savary, premier secrétaire du Parti socialiste, qui fait le point sur les municipales. Il a un visage lisse, sympathique, le menton légèrement en galoche, assez harmonieux pourtant, avec une voix chaleureuse.
    La gauche est en bon état, nous dit-il, et le PS achève la mise en place de ses listes – la date limite du dépôt légal est dimanche prochain – pour les municipales. « Dans l’ensemble, précise-t-il, il y aura davantage de listes d’union de la gauche qu’en 1965. Nous avons laissé les fédérations libres d’appliquer leur tactique, c’est-à-dire libres de constituer des listes socialistes homogènes ou des listes de coalition avec des opposants au régime Pompidou et des partenaires loyaux. » (Loyaux, qu’est-ce que cela veut dire ? Je pense qu’il veut dire qui ne sont pas prêts à pactiser avec l’UDR – c’est bien le moins – ou avec les centristes. Quoi qu’il en soit, le mot est rare dans le vocabulaire politique.)
    Les cas d’indiscipline sont peu nombreux : Nîmes, où la section socialiste a été dissoute, puis reconstituée, Nancy, et Nice, où la fédération fait des siennes.
    Il parle, selon les questions, des rapports avec le Parti communiste et avec le Parti radical. Il ne cache pas que l’avenir

Weitere Kostenlose Bücher