Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
même des points sur lesquels elles s’étaient mises d’accord. Pour ce qui est des industries à nationaliser, les socialistes avaient déjà accepté qu’elles englobent les ressources du sous-sol, l’armement, les industries spatiale et nucléaire, ainsi que l’industrie pharmaceutique. Tout cela demeure sans changement. Pour les autres secteurs, m’explique Estier, il y a discussion ; les socialistes « échangent » notamment les transports aériens et les autoroutes, qu’ils refusent de voir figurer dans la liste des nationalisations immédiates, contre l’industrie chimique et électronique, qu’ils acceptent.
    « En fait, me dit Claude Estier, les modérés, là-dedans, ceux qui ont été les principaux négociateurs du côté socialiste, ce sont Pierre Mauroy et Gérard Jaquet. »
    Cela n’empêche pas qu’à la fin Gaston Defferre trouve que le volume des nationalisations – dont la liste est soigneusement publiée par le quotidien communiste L’Humanité  – reste excessif. Et les minoritaires radicaux de faire pâle mine.
    Mais enfin, tel qu’il est, ce programme commun existe et chacun, à gauche, fait mine de s’en contenter.

    28 juin
    Déclaration de Valéry Giscard d’Estaing au Parlement sur la crise de la livre sterling, la Grande-Bretagne ayant récemment pris la décision de laisser flotter sa monnaie et de laisser tomber l’accord conclu à Bâle sur les marges de fluctuation. L’attitude française, explique-t-il, a consisté à protéger notre économie et notre marché par la fermeture du marché des changes. Pour le reste, il faut, dit Giscard, organiser la concertation européenne.
    « Bof, c’est du baratin, tout cela », me dit Gaston Defferre en quittant l’hémicycle.

    Paul Laurent, patron de la fédération communiste de la capitale, revient avec moi sur les négociations avec le PS pour le programme commun. C’est un homme tranquille, presque trop tranquille : le débit de sa voix est particulièrement lent, avec un fort accent parigot, au point, j’ai honte de le dire, que je lutte contre l’assoupissement pendant qu’il parle. Pourtant il n’est pas avare d’explications et de détails sur toutes ces négociations.
    « Il y a eu des choses délicates, me dit-il, mais jamais de vrai blocage. »
    Il me répète, vu de l’autre bord, ce que Claude Estier m’avait confié. Sur l’Europe, il convient que la mise au point du texte commun montre la volonté de ce que sera l’action gouvernementale :
    « Ce n’est pas une fusion idéologique ni politique. Nous nous sommes contentés de faire la preuve qu’il existe déjà des bases pour une action gouvernementale possible, même en matière de politique étrangère. Il est parfaitement évident, poursuit-il, que l’expérience européenne a confirmé les idées du Parti communiste : il y a nécessité de limiter l’influence du grand capital. Lisez ce qu’écrivait le Parti socialiste sur la question en 1950 : vous verrez la différence ! »
    Sur les nationalisations, même impression de victoire. Il lâche même cette phrase qui revêt tout son poids : « Nous ne sommes pas là pour introspecter nos adversaires, euh... je veux dire nos partenaires ! »
    Nous rions ensemble, mais cela ne le fait pas dévier de sa démonstration :
    « Nous avons toujours dit que, s’il n’y avait pas un seuil minimum de nationalisations, il n’y aurait pas de crédibilité gouvernementale. Nous l’avons maintenu, nous le maintenons. Pour le reste, en ce quiconcerne par exemple le secteur de l’automobile, nous avions dit d’une manière claire que le programme commun serait le fruit d’un compromis sur les nationalisations comme sur les autres points. À partir de là, qu’on fasse tout ce qu’on peut pour arriver au compromis, pardonnez-moi, mais c’est une lapalissade ! »
    Je lui demande s’il lui est arrivé de douter de ses partenaires socialistes. Il me dit que oui : il y a quatre ans, il en doutait fortement. Depuis Épinay, les choses ont évolué, convient-il, ce qui n’a pas empêché les communistes de faire le « forcing » sur certains points.
    Conclusion : ce texte ne doit pas affoler. « Les forces réactionnaires vont brandir l’épouvantail bolchevique. Peu importe : dans sa réalité, l’accord est la base d’un rassemblement qui va bien au-delà de nos rangs et des rangs socialistes. La réaction va tout faire pour le caricaturer. »
    Ajoutons que le

Weitere Kostenlose Bücher