Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
me dit sur le ton de la confidence que « l’unité entre socialistes et communistes sera possible après la fin de la guerre du Vietnam, à la reprise de la coexistence pacifique ». Il ajoute : « Les partis communistes ont toujours sacrifié l’intérêt de leur prolétariat national à la défense de la patrie socialiste. Ils ont aujourd’hui encore cette attitude. Mais, lorsque la guerre du Vietnam s’arrêtera, la patrie socialiste ne sera plus menacée. On pourra parler. »

    Georges Dayan me raconte que François Mitterrand a déjeuné avec Jacques Brel, chez lui, rue Guynemer. Il avait demandé une poule au pot. On lui a servi une volaille à la crème (il m’a expliqué la différence, à laquelle il est, paraît-il, très sensible, mais j’ai oublié laquelle). Ça ne lui a pas coupé l’appétit. Pas plus que la combativité. Au chanteur, qui vote communiste, Mitterrand a expliqué que les communistes n’étaient pas commodes et qu’il ne voulait pas d’un désistement systématique à leur profit, mais qu’il trouverait un moyen d’aller avec eux à la bataille.

    3 novembre
    Conférence de presse de Mitterrand. La première neige tombe sur Paris quand il entre à l’hôtel Intercontinental. Il annonce son désir de régler son contentieux avec le Parti communiste « en acceptant de débattre publiquement des grandes options de la campagne présidentielle de 1965 ».
    Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi parler de 1965 alors qu’il s’agit de préparer la campagne législative de 1967 ? C’est pour montrer que, au-delà des partis qui composent la Fédération de la gauche et de leurs différents dirigeants, il en est toujours, comme en 1965, le chef de file. Tout tourne autour des législatives. Mitterrand sait bien que c’est pour lui le tournant ; soit la Fédération de la gauche progresse et il pourra dire que c’est grâce à lui, soit rien ne change, et alors à quoi aura servi 1965 ?

    2 décembre
    Le comité exécutif de la Fédération a pris position sur la stratégie électorale, hier, 1 er  décembre. Nous avons attendu très tard pour savoir exactement ce qu’avaient décidé tous ses membres, radicaux, socialistes et conventionnels. Ce n’est qu’à 22 h 30 que nous avons été introduits dans la petite salle enfumée où ils s’étaient tous réunis. Mitterrand, avec à sa droite René Billères et à sa gauche Guy Mollet, nous a dicté un texte de communiqué d’où il ressortait que la Fédération de la gauche acceptait de rencontrer les communistes et qu’elle avait même désigné une délégation à cet effet. Fin de l’intolérable suspense !
    En réalité, si la réunion a duré longtemps, c’est que, me raconte Claude Estier, elle a été sportive ! Assez habilement, entre les trois textes (des radicaux, des conventionnels et des socialistes) qui avaient été élaborés séparément au cours de chacun des congrès des trois mouvements, Mitterrand avait choisi pour base de discussion le texte élaboré par le Parti socialiste au cours de son congrès. Ce qui était une bonne façon de mettre Guy Mollet de son côté. Et de ne pas se situer d’emblée en arbitre des conflits.
    C’est évidemment sur les relations avec le Parti communiste que le Parti radical a « coincé » au cours de la réunion : René Billères explique que les radicaux, à l’issue de leur congrès, ont accepté l’ouverture de pourparlers avec les communistes à condition qu’ils sedoublent de conversations avec le Centre démocrate de Jean Lecanuet. Les socialistes et les conventionnels refusent. À partir de là, le ton monte, la discussion s’enferre, les suspensions de séance s’enchaînent. On croit possible une rupture : « Si on avait voté à ce moment-là, la Fédération aurait éclaté ! » m’a confié Claude Estier. Pourtant, d’interruption de séance en interruption de séance, un groupe de sept sages a été constitué pour trouver une position commune. C’est au cours d’échanges de vues que Guy Mollet, blême de colère, paraît-il, en est venu presque aux mains avec René Billères. De ce bref et violent antagonisme, nous autres journalistes avions été vaguement prévenus, mais sans penser qu’il était allé aussi loin.
    Est-ce cette agression de Guy Mollet qui a terrifié les radicaux ? Toujours est-il que, lorsque la discussion a repris, ils n’ont plus émis d’objection. Tout, à partir de là, a été très

Weitere Kostenlose Bücher