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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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noir ».
    Mitterrand, profil de loup, déclare que « la Constitution est tombée du côté où elle penchait, du côté du pouvoir personnel » et annonce que, le 13 mars, il s’adressera à toute l’opposition, dont il affirme qu’elle sera devenue une majorité, « afin qu’elle se compte sur un programme minimum de gouvernement ».
    Ce programme en 15 points, il tente de le défendre au milieu des cris et des sifflets. Personne n’entend, tout le monde comprend pourtant qu’il s’agit là du programme législatif que les candidats de la gauche défendront pendant la campagne.
    À 22 h 30, tout est terminé.
    Pompidou s’engouffre dans sa DS noire, en déclarant, morose, que « tout cela n’est pas très positif ». Mitterrand a retrouvé son chauffeur. Il va boire un verre avec ses partisans en murmurant, quêtant l’approbation : « Il fallait le faire, non ? » Il n’a même pas l’air très fatigué. Autour de lui, tout le monde est épuisé.
    23 février

    La campagne officielle a commencé à la télévision hier, pendant que Pompidou et Mitterrand s’affrontaient dans la grande salle d’« Hiroshima mon amour ». Deuxième round aujourd’hui : Maurice Schumann parle à son petit-fils et lui explique les subtilités de la ligne Oder-Neisse. Waldeck Rochet dévide le catéchisme de son parti. Mendès France évoque la succession du gaullisme.
    La télé les intimide tous et l’œil noir de la caméra les paralyse. Tout cela manque de spontanéité, et encore plus, d’intérêt.
    Dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 mars. Premier tour des élections législatives

    « Inquiet, pourquoi ? » me dit François Mitterrand dans l’après-midi, au retour d’une promenade à pied autour de Château-Chinon où il a entraîné, à leur corps défendant, les journalistes venus de toutes les rédactions de France et de Navarre. « J’ai fait tout ce que j’ai pu, non ? »
    Dès 19 heures, de retour dans la salle à manger bondée de l’hôtel du Vieux-Morvan, où il réside une fois de plus, il sait à quoi s’en tenir sur sa situation personnelle : son succès est complet dans la Nièvre. Il est, avec Waldeck Rochet, une des deux personnalités vedettes de la gauche à être élues au premier tour, ce qui, au passage, montre à quel point les électeurs de l’opposition sont en phase avec la stratégie d’unité. « Pour moi, dit Mitterrand à la cantonade, c’est joué. Pour les autres... »
    Deux sortes de résultats comptent pour lui, en dehors du sien. Celui de ses amis de la Convention des institutions républicaines, André Rousselet, Roland Dumas, Charles Hernu, Louis Mermaz. Le seul dont il n’attend pas grand-chose, c’est Claude Estier, qui a voulu malgré ses conseils se faire élire à Paris, dans le 18 e arrondissement, où il habite et où il a choisi de se mesurer à Alexandre Sanguinetti, briscard et bretteur, d’ailleurs talentueux, du gaullisme. Pour les premiers d’entre eux, Mitterrand est assez vite rassuré. Il apprend, avant 21 heures, que Rousselet est en tête devant le centriste Pierre Baudis à Toulouse, que Roland Dumas est en bonne position à Brive, où il devance le candidat communiste. Même avance pour Louis Mermaz dans l’Isère : bonne position, avance sensible sur le candidat communiste. Dans la négociation avec le PC pour les désistements en vue du second tour, il aura moins de problèmes que prévu en ce qui concerne ses amis. Alors, vers 22 h 30, il fait déboucher la première bouteille de champagne.
    À 23 heures, départ dans la DS noire qui a fait 15000 kilomètres en trois semaines vers la préfecture de Nevers, où l’attend, autour d’un buffet nourri, une grande partie des conseillers généraux qui lui sont proches. Le voyage se fait, pour la troupe des journalistes les plus audacieux qui ont entrepris de le suivre, et dont, toujours accompagnée de Claude Tchou, je fais partie, derrière la DS à peine visible dans un brouillard épais, cotonneux, où les virages de la petite route m’ont semblé monstrueusement dangereux. À la préfecture, où, quoi que dans l’opposition, il est comme chez lui, Mitterrand écoute les résultats qui lui parviennent, de toute la France cette fois : il est aimable, souriant, mais absent.
    Car il sait maintenant, à cette heure avancée de la soirée que, si ses amis personnels s’en sortent bien, la gauche non communiste est à la peine. Le Parti communiste arrive

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