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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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point de presse nous apprend que, sur la vingtaine de noms avancés par Mitterrand, Waldeck Rochet et les siens ont accepté de retenir treize « cas particuliers » (ils ne disent pas « cadeaux ») sans présenter la moindre demande pour eux-mêmes. Cléricy fait partie de la liste. Il me doit une fière chandelle 6 .

    Le lendemain, mardi, Maurice Faure fait amende honorable, rejoint la gauche, et les communistes acceptent de se désister pour lui. Dans toutes les circonscriptions où la gauche est présente au second tour, un candidat unique est opposé à celui de la majorité sortante. C’est une réussite diplomatique, mais les résultats du premier tour me paraissent loin d’annoncer un quelconque retournement de la conjoncture électorale pour le deuxième.
    10 mars

    Dans le 18 e arrondissement, je l’ai déjà écrit, Mitterrand ne croit pas une seconde que Claude Estier ait la moindre chance d’être élu, malgré la campagne très active que le candidat mène dans un quartier, baptisé « les grandes carrières » qu’Alexandre Sanguinetti a conquis 7 en 1962, après s’être illustré au cabinet de Roger Frey comme barbouze en chef contre l’OAS.
    Hier matin, le 9, me dit Claude Estier, il a fait déposer à la permanence socialiste une lettre demandant à porter la contradiction à François Mitterrand qui, le soir même, vient soutenir Claude Estier.
    Grange gueule, grand orateur, féru d’histoire et de politique, Sanguinetti est sûr de ne faire qu’une bouchée de Claude Estier.

    Immédiatement, la réunion électorale d’Estier, qui serait passée à peu près inaperçue si Sanguinetti ne lui avait pas fait une publicité inespérée, s’est transformée en meeting le plus important de l’entre deux tours. Plusieurs milliers de personnes, dont les journalistes de la presse entière – et moi – sont accourus hier dans le préau d’école de la rue Damrémont qui, en d’autres circonstances, serait resté un endroit beaucoup plus confidentiel, pour assister au combat. Je suis restée debout, dans un coin, tant l’assistance était fournie, impressionnante.
    François Mitterrand est arrivé après les interventions d’un communiste et d’un PSU, venus annoncer leur ralliement à Claude Estier pour le second tour. Quelques minutes après qu’il a commencé à parler, entre à son tour dans l’école Alexandre Sanguinetti, accompagné, ainsi qu’il en avait pris l’engagement, de quatre ou cinq amis seulement. Le visage dur, tendu, coupe de cheveux militaire, il écoute sans broncher François Mitterrand achever son propos contre « la vilaine droite, qui a trouvé dans le Général son grand homme fort qu’elle a manqué avec Boulanger et Pétain ». Et prend la parole, pour, d’une voix debronze, affirmer, non sans courage, devant un auditoire largement mais pas seulement composé de communistes : « Il n’y a pas de gauche unie, la gauche unie se fera coiffer par le communisme ! »
    Hurlements dans la salle, sans toutefois que le chahut dégénère.
    Lorsque Sanguinetti et sa suite se sont retirés sur une dernière réplique, il a tout de suite été évident qu’ils avaient donné à cette réunion presque anodine un écho national. Claude Estier me dit ce matin que Sanguinetti a tellement fait peur, pendant ce meeting, par son attitude martiale, que les représentants parisiens du Centre démocrate, qui étaient présents sous le préau pendant l’affrontement, lui ont remis ce matin le texte d’un appel à voter pour lui.
    12-13 mars

    Je pensais, après le premier tour, que le sort était jeté, que la majorité avait remporté une victoire sans appel. Et bien j’avais tort ! Le deuxième tour a été celui d’un glissement inattendu vers les candidats de la gauche. Rien ne l’avait laissé prévoir, les derniers sondages IFOP et Sofres annonçaient au contraire une confortable victoire de la majorité sortante.
    Pour L’Express , j’assiste à cette soirée électorale rue de Lille, au siège de la Fédération de la gauche où règne une animation que je qualifierais d’angoissée, surtout au moment où le présentateur d’Europe 1 annonce que les « fourchettes » des sondages sont fausses, et qu’un bouleversement rend caduques toutes les prévisions qui avaient été faites.
    Première nouvelle : l’élection, avec plus de 600 voix d’avance, de Georges Fillioud à Romans, dans la Drôme, capitale de la chaussure et des ravioles.

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