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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Il faut quevous entriez au gouvernement. Que peut-on faire pour les femmes ? Allez-y, je vous écoute ! »
    Outre cette anecdote révélatrice du comportement volontiers provocateur de Jacques Chirac, j’y vois l’appréciation qu’il porte sur le rôle du Premier ministre : il est là pour exécuter. Mais il ne peut – ni sans doute ne veut – s’opposer aux évolutions qu’il pressent sans les vouloir.
    18 septembre encore
    À Talloires, Jean-Pierre Fourcade, qui intervenait hier aux journées parlementaires giscardiennes, a fait, paraît-il, piètre effet, parlant avec difficulté, cherchant ses mots. Cela me confirme dans ce que je pensais de lui : il n’a rien à voir avec le milieu giscardien, dans lequel il n’est pas né. Fourcade, né à Marmande d’un père modeste, qui n’est pas passé par le moule des républicains indépendants, ne s’y sent pas à l’aise. Même si, aujourd’hui, il est devenu ministre des Finances.

    Jacques Friedmann, lui, est très inquiet de la hausse du prix du pétrole. Il la trouve d’autant plus angoissante qu’elle intervient après le « coup d’assommoir » de l’hiver dernier, et alors que les économies occidentales n’ont pas encore digéré les augmentations précédentes. Des parades conjoncturelles sont proposées, certes, mais est-ce suffisant ? Il faudrait casser l’inflation. Les Français, me dit-il, ne sont pas encore conscients de la gravité de la situation. « Chirac a commencé, à Strasbourg, à sonner l’alarme. »
    Il m’énumère les mesures à prendre si un dérapage se produit à l’automne : rationnement éventuel de l’essence, rationnement du crédit, blocage des prix industriels, indexation de l’épargne.
    Est-ce moi qu’il prépare psychologiquement à la crise ? Je le quitte encore plus inquiète que lui.
    24 septembre
    Conférence de presse de François Mitterrand. Lui aussi est inquiet de la situation économique, et tient à prendre date. Le ton est solennel, quoiqu’il affirme, d’emblée, ne pas vouloir « verser dans le catastrophisme », mais enfin il cite les propos que Sauvagnargues, leministre des Affaires étrangères, vient de proférer devant l’Assemblée générale de l’ONU, où il s’est exclamé : « Tous les éléments d’une crise mondiale sont d’ores et déjà réunis ! »
    Il dépeint un nouveau rapport de force. Le pétrole a changé les relations économiques entre les groupes humains : les puissances industrielles dominantes sont menacées par l’accès aux responsabilités des peuples du tiers-monde. Face à la crise, il critique les propos lénifiants que tient Giscard depuis son élection, car c’est tout le système économique occidental qui se trouve aujourd’hui en cause.
    Il propose un plan en trois étapes : en 1974, d’abord rétablir la confiance. Ni inflation, ni chômage : deuxième étape. Enfin, troisième étape, de 76 à 80 : planifier le changement.
    Ce qui est important, ce n’est pas tant ce qu’il dit, que sa détermination à apparaître comme l’alternative à Giscard. Il le dit très bien en répondant à la question que lui pose Gilbert Mathieu, le spécialiste économique du Monde , qui lui demande s’il compte intervenir à intervalles réguliers sur la politique économique du pays. Sa réponse fuse : « Le président est élu pour sept ans, je dirai tous les six mois ce que je pense. Il ne convient pas que l’opposition critique sans jamais rien proposer. » Il occupe donc la place de futur candidat à la présidence. Et personne ne songe à la lui contester. Il répète ce jour-là : « Nous aspirons à gouverner. »
    Et face aux « débauchages » de socialistes, auxquels il sait bien que pensent Giscard et Ponia, il dit avec un mélange d’ironie et d’autorité qu’il est inutile « d’imaginer que la gauche aille participer à un gouvernement d’union sacrée » : « Tout ce qui relève de la combinaison, du maquillage, de la peinture fraîche, de l’alibi ou de la compromission, qui donc y songerait ? Pas moi ! »
    Ce qui est fou, c’est que, au moment précis où je me demande s’il croit vraiment encore pouvoir prendre le pouvoir, il fait le tour des micros derrière lesquels il parlait, s’approche de moi, et, tandis qu’il gagne la sortie, me dit à mi-voix : « Nous sommes dans le fictif, puisqu’il n’y a vraiment aucune chance que nous prenions le pouvoir avant

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