Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
Russie, hostile à la social-démocratie et visant à souligner le rôle essentiel des partis communistes dans la lutte pour la révolution prolétarienne.
Un signe parmi d’autres. Cette fois, on n’en peut plus douter : après le « faux » de La Repubblica , après l’article de Boris Ponomarev qui pouvait à la rigueur être hors circuit, l’article que je viens de lire – de Zakorov, je crois – fait figure de « nouvelle ligne ».
1 er septembre
Voyage de Simone Veil en Israël : après la visite rituelle du ministre des Affaires étrangères Sauvagnargues, qui a d’ailleurs été froidement accueilli 18 , c’est le premier ministre de la V e République à effectuer un voyage officiel en Israël. Le choix de Simone Veil n’est pas dû au hasard : déportée à 16 ans, elle a vu sa mère et sa sœur mourir auprès d’elle dans les camps, son père a disparu dans un convoi de la mort ; avec une autre de ses sœurs, elle a survécu. Elle est à coup sûr le meilleur ambassadeur que Giscard pouvait trouver pour rassurer les Israéliens et leur démontrer que c’en était fini de la politique extérieure du général de Gaulle, « sûr de lui et dominateur ».
Sur son visage et surtout dans ses yeux si clairs se lit une extraordinaire résolution. Une ténacité, une volonté hors du commun. Mais pas d’ambition : c’est en cela qu’elle est unique dans le monde politique. Elle est à la fois présente, exigeante, superbe de surcroît. Maiselle n’est pas ambitieuse. On n’est pas ambitieuse quand on a vu la mort de si près à 16 ans.
Partout, en petite robe à fleurs ou en tailleur d’été, elle est à l’aise, autant à l’institut Weizmann que dans les hôpitaux qu’elle visite, dans un kibboutz ou au Mémorial juif de Jérusalem. De manière ostensible, elle ne prononce pas un mot d’hébreu, pas même le traditionnel shalom : car elle se veut laïque, et ministre d’une République laïque.
Le maire adjoint de Tel-Aviv lui parle en hébreu. « Je pense que vous avez compris, lui demande-t-il. – Non, pas du tout », répond-elle sans broncher.
« Qu’elle est belle ! », disent les jeunes filles sur son passage. Elle sourit, un peu absente, mais gentille, yeux verts, robe rouge et blanche.
À l’hôtel, rencontre avec Golda Meir, cheveux gris, grosses chaussures blanches : « So happy to see you », dit-elle à Simone Veil avec une voix éraillée, avant de se jeter à son cou.
Curieuse atmosphère. La paix, personne n’a l’air d’y croire. La seule qui en parle, c’est Simone Veil, pas les autres.
Le sens du voyage, m’explique-t-on autour d’elle, est « climatologique » : elle ne vient pas pour signer quelque chose, elle ne prononce pas de discours politique majeur. Elle est là parce que c’est un symbole.
À plusieurs détails, je m’aperçois qu’elle connaît très bien Israël. Manifestement, elle est venue ici plusieurs fois en voyage privé, quand elle n’était pas ministre. Elle est contente que la normalisation franco-israélienne passe par elle. Je comprends.
À un moment donné du voyage, à la sortie d’un kibboutz où elle a longuement interrogé les femmes sur leur vie domestique, la répartition des tâches entre hommes et femmes, elle me prend à part non sans avoir elle-même photographié tout le monde : elle connaît bien Israël, me dit-elle, pour y être venue chercher son fils qui avait décidé il y a quelques années de venir y passer un an et qui voulait y rester.
9 septembre
Session extraordinaire du Parlement. Dans les couloirs, François Mitterrand se heurte à Françoise Giroud : « J’ai failli vous bousculer, dit-il, mais je vous jure que cela n’aurait pas été politique ! »
Dehors, on tond la pelouse.
Dans l’hémicycle, au banc du gouvernement : Chirac, Ponia, Fourcade, Lecanuet, Durafour, Galley, Tomasini, Abelin.
Chirac monte lentement à la tribune, exhorte à l’entente la plus large, à l’union nationale (couplet contre les dirigeants de l’opposition, qui « n’ont pas voulu discuter des problèmes de la France avec le chef de l’État, alors qu’ils rencontrent les chefs de gouvernement étrangers »). Il affirme que le chômage est la préoccupation fondamentale du gouvernement, que la relance n’était pas possible en début d’année, comme le demandait l’opposition. Revalorisation du travail manuel, durée du travail, abaissement de l’âge de la
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