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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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boulevard de la République et changer la mairie. Il a fait hier dix-sept kilomètres à pied dans les bois et il a des contractures musculaires dans la jambe gauche. Il regarde les plans de Château-Chinon et me dit : « Ça, c’est plus intéressant que tout le reste ! »
    Lui parler ? Mais de quoi ? Avant de poser les questions, il me semble que je connais les réponses qu’il va, qu’il peut leur apporter. D’ailleurs, lorsque je lui demande ce qu’il attend du futur congrès communiste, il me répond :
    « Ça ne m’intéresse pas, ça ne me regarde pas, ce XXII e  congrès. C’est le problème des communistes, pas le mien !
    – Mais le document préparatoire tel que vient de le publier L’Humanité  ?
    – C’est leur document, ça ne change jamais beaucoup, entre le texte préliminaire et celui qui sort du congrès. »
    Bon. Il ne dira rien. Nous parlons de Françoise Giroud. « Alors, me demande-t-il, elle n’est plus du tout au journal ? Il est vrai que, ce journal, je ne le lis plus jamais. Personne ne le lit plus, à mon étage. Vous, en revanche, je vous écoute à la radio. J’aime beaucoup ce que vous dites. C’est assez long, hein : je vous écoute en voiture. »
    Je ris, car je n’arrive vraiment pas à lui faire dire quoi que ce soit. Et aussi parce que je suis sûre que, malgré ses dénégations, il lit L’Express . Pourtant, juste au moment où je me décourage, c’est lui qui se met à me poser des questions et qui se dévoile un peu à travers elles.
    « Comment trouvez-vous Giscard ? »
    Je lui réponds qu’il ne m’est pas antipathique, loin de là.
    « Certes, poursuit Mitterrand, mais on commence à voir ses faiblesses. Sans faire de littérature, il y a une certaine fragilité dans le personnage ! »
    Je l’attaque alors sur Chirac : « Faut-il craindre que la force soit du côté de Chirac ? »
    Ma tactique a marché, il me répond sur Chirac :
    « Oui, c’est un danger. Mais Giscard, effectivement, n’est pas Pompidou. Vous vous souvenez, sur la fin, à quel point Pompidou voyait rouge dès que quelque chose menaçait de bouger. Sa maladie, évidemment, n’était pas étrangère à cette attitude. »
    Bref, il semble penser que Giscard est différent de ce qu’était Pompidou, moins fermé, plus sensible au mouvement des choses. Son appréciation me fait penser à ce que m’a dit il y a quelques jours Paul Laurent : « François Mitterrand pense que Giscard veut , mais qu’il ne peut pas ; nous, les communistes, nous pensons qu’il ne veut ni ne peut changer les choses. C’est la différence de base entre Mitterrand et nous. »
    Il avait raison : Mitterrand établit bel et bien une nuance entre Giscard et les présidents de la République qui l’ont précédé. Et avec Jacques Chirac.
    Plus décontracté à ce stade de la conversation, il parle de l’UDR : « À terme, fatalement, l’UDR et les giscardiens entreront en conflit. Mais que faire ? Giscard n’a pas sa majorité. Il a fait une grande erreur en prenant Chirac comme Premier ministre et en gardant l’UDR intacte. Il aurait pu choisir quelqu’un d’autre, comme Guichard. »
    Je lui fais remarquer qu’alors Chirac n’était pas celui qu’il est devenu aujourd’hui. Giscard l’a pris parce qu’il le pensait plus faible qu’il n’était en fait.
    Donc, deuxième certitude : il attend le conflit entre les deux.
    Tous ces propos sont émaillés de quelques considérations sur Château-Chinon, les arbres qu’il compte planter en bordure de l’avenue. Il me dit : « Regardez la liste de ces arbres : on me propose des arbres prétentieux, papyrus ou autres. Les arbres de la Nièvre, ce sont les bouleaux ! » (Suivent d’autres noms d’arbres que je suis bien incapable de me rappeler, je ne distinguerais pas un baobab d’un fraisier !)
    Sur le Parti socialiste, il est content de la tournure que prennent les choses :
    « Hein, je n’ai pas mal réussi ? Sur le Ceres, vous n’étiez pas d’accord avec moi lorsque je m’en suis séparé. Et puis, finalement, j’ai eu raison : dans les fédérations, nous avons réagi, ils ne s’empareront plus de tous les leviers de commande ! »
    À combien est-ce que j’estime le Parti socialiste, me demande-t-il, ayant décidé de la forme qu’il donnerait à notre conversation, sorte d’interview inversée.
    Je lui réponds : « À 35 % du corps électoral », pour voir sa tête.
    Il répond :

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