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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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quel état d’abattement ces deux coups de téléphone ont mis Dominati.
    Un de mes confrères me raconte une scène à laquelle je crois, parce qu’elle va dans le sens de tout ce que l’on m’a dit jusqu’à maintenant. Jacques Dominati avait rencontré Giscard il y a une semaine au moment où celui-ci n’avait pas encore pris de décision, et ils avaient évidemment évoqué le problème de la coordination de la majorité.
    « Vous voyez bien, avait dit Giscard, qu’il faut un coordinateur à cette majorité !
    – Mais ce ne peut pas être Chirac !
    – Ça ne peut pas être quelqu’un d’autre que le Premier ministre ! »
    Les giscardiens présents à Nice me disent que, si Giscard a confirmé Chirac, c’est sous condition : la preuve, c’est qu’il n’a pas parlé de « chef de la majorité » ni de « responsable de la majorité ». Il a dit que Chirac devait être l’ animateur de la majorité. Nuance ? Plus qu’une nuance, soutiennent-ils. Cela veut dire que, le chef, c’est Giscard, et qu’il n’y en a pas d’autre.
    D’ailleurs, j’ai l’impression que s’ils (Chinaud et Dominati) acceptent sans trop protester ce nouvel adoubement de Chirac, c’est parce qu’ils pensent qu’il va échouer dans cette tâche de coordination, et qu’il sera donc contraint d’abandonner la partie. Au besoin ils feront tout pour qu’il en soit ainsi.
    Je remarque tout de même que certains députés giscardiens sont beaucoup moins critiques que l’état-major républicain indépendant – et surtout que le duo Chinaud-Dominati –, à l’égard de JacquesChirac. D’abord parce que ce dernier les rassure. Comme me le dit un président de commission parlementaire : « Entre nous, Chirac n’est pas plus gaulliste que vous ou moi ! » Ensuite parce que les députés de la majorité, RI ou pas, ressentent la nécessité de ramener le calme dans leur électorat ; et le calme passe à leurs yeux par un ralentissement des réformes : c’est précisément ce que demande Chirac à Giscard. Et c’est ce qui explique, le jeudi matin, le tir groupé de certains parlementaires contre la réforme. De violents reproches ont été formulés à Jacques Dominati, qui, le premier, avait parlé dans un discours de « socialisme giscardien » !
    30 mars – 1 er  avril
    Journées parlementaires de l’UDR à Saint-Jean-de-Luz. Le casino est blanc sous un soleil printanier, partout des plantes vertes luxuriantes, la petite ville est charmante, comme lavée par les ondées de la veille. Une croix de Lorraine domine le tout : c’est là que les parlementaires de l’UDR se réunissent.
    Curieuse atmosphère, là aussi, faite de deux sentiments contradictoires : l’inquiétude des députés UDR devant le « cadeau empoisonné » fait à Chirac, et, dans le même temps, le contentement devant la confirmation de Chirac par Giscard.
    Dans l’avion qui me conduit à Biarritz, Edgar Faure habille, comme on dit, Giscard pour l’hiver ! Il me dit : « Giscard est un intellectuel. Les hommes d’État, les chefs de gouvernement ne sont pas faits comme lui. Pour être au sommet de l’État, il faut avoir des idées plus claires, peu d’idées mais précises : comme Pompidou, Pinay ou Chirac. »
    Je lui demande si vraiment il trouve que Chirac est le mieux placé pour fixer sur la majorité les voix du centre. Il me répond : « Ce n’est peut-être pas le meilleur, mais c’est le seul. Il faut désormais avant tout garder les électeurs qui votent pour nous, arrêter l’hémorragie. »
    Pour lui, le véritable responsable de l’hémorragie, c’est Giscard lui-même : « Aucun sens du peuple ! La suppression des fêtes de la Victoire, pourquoi ? Tout le monde lui en veut. Moi, je ferai deux cérémonies et pas une, cette année ! Et changer le tempo de La Marseillaise  ? Stupide ! »
    Il s’interrompt, appelle son directeur de cabinet : « Gadot, faites-moi rappeler qu’à Pontarlier, pour le 8 mai, on joue La Marseillaise à son rythme habituel ! »
    Son discours du 24 mars dernier ? « Il n’était pas si mal. Il y a des moments où il ne faut pas être brillant. Il aurait été brillant qu’on le lui aurait reproché ! Je lui avais donné le conseil d’être lui-même. »
    Il se lance dans l’analyse de ce que devrait être la majorité : « Il faudrait deux partis dans la majorité : d’un côté l’UDR et les radicaux, de l’autre les

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