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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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deviennent-ils brutalement insupportables à ceux-là mêmes qu’ils divertissaient quelques semaines auparavant ? Mitterrand a-t-il raison quand il dit que la passion est la chose du monde qui s’inverse le plus vite, qu’un homme politique adulé peut devenir objet de détestation ? Il va plus loin : ne dit-il pas que les personnages les plus haïs peuvent devenir les plus aimés, d’autant plus aimés qu’ils ont été davantage haïs ?
    Comment oublier ces jours de Mai 1968, et ce trajet entre l’Assemblée nationale et la rue Guynemer, quand je tentais d’interviewer Mitterrand, escorté de Dayan, auxquels une partie des passants lançaient des insultes tout au long du boulevard Saint-Germain ? Il me disait justement, en faisant mine de ne rien voir et de ne rien entendre, que tout cela ne changerait rien, qu’il pourrait être demain d’autant plus facilement porté au pouvoir qu’il avait été davantage insulté.
    J’en ai appris plus, en ces minutes-là, sur la versatilité de l’électorat, que pendant le reste de ma vie.
    7 avril
    Giscard remet la Légion d’honneur à Pierre Viansson-Ponté, éditorialiste estimé du journal Le Monde . Il n’a trouvé que cela pour se dédouaner de Chirac, lequel clame urbi et orbi , comme il me l’a dit : « Viansson est un chien jaune, il n’en a qu’une ! »
    Albin Chalandon est pressenti pour remplacer André Bord au secrétariat général de l’UDR. Il freine des quatre fers, n’ayant aucune envie de se retrouver rue de Lille sous la surveillance des barons. Pourtant, comment refuser ? Il a téléphoné à Roger Frey pour lui démontrer en quoi c’était une très mauvaise idée de le nommer !

    Roland Leroy, croisé dans les couloirs de l’Assemblée nationale, me dit qu’il a failli mourir. Je m’étonne : à cause de ses côtes fracturées ? Ce n’étaient pas seulement des fractures : il s’est déchiré une artère pulmonaire. Il s’est donc couché après sa chute (il s’est pris les pieds dans le fil du téléphone et a glissé sur le tapis. À jeun ?) et n’a pas pu se lever le lendemain : hémorragie interne, transfert à l’hôpital, opération, etc. Rien de tout cela n’avait filtré.
    Rencontré au même endroit, et à quelques minutes d’intervalle, Françoise Giroud. Jean-Jacques avait réclamé – au nom de la morale politique, avait-il dit, et du contrat qui lie les composantes de la majorité – un débat de politique générale. Chirac, qui a reçu l’aval de Giscard, l’a refusé. Il a expliqué, à l’issue du déjeuner des ministres qui a suivi le Conseil de mercredi, qu’un débat aurait révélé, à l’intérieur de la majorité, des divergences au moment où il a reçu mission de l’unifier. C’est un échec de plus pour Jean-Jacques, qui, décidément, ne trouve pas dans la majorité, telle qu’elle est organisée et plus encore telle qu’elle s’organise, une place à son niveau.
    Françoise, donc, a vu Giscard la semaine dernière. Elle l’a trouvé désorienté plus qu’inquiet, perplexe plus qu’angoissé. Elle lui a dit qu’elle regrettait le choix de Jacques Chirac comme coordinateur, parce que c’était ce choix-là que les électeurs avaient refusé en 1974. Donner des pouvoirs supplémentaires au représentant d’un parti dont les Français ne veulent plus est-il de bonne politique ? « Pour le moment, me dit-elle, Giscard ne refusera rien à Chirac, il n’est pas dans une phase de contestation à son égard. Il laissera faire. »
    À un moment de la conversation, Giscard lui a dit : « Il n’y aurait pas de problème si les communistes n’existaient pas.
    – Comment ? lui a répondu Françoise. Mais, s’ils n’existaient pas, vous n’auriez pas été élu ! »
    20 avril
    Au déjeuner des réformateurs qui a lieu aujourd’hui autour de Giscard, Jean-Jacques Servan-Schreiber a remis sur la table le débat de politique générale auquel il n’a pas eu droit. Il en faisait porter la responsabilité au seul Jacques Chirac, mais Giscard en a assumé sa part : « Cela aurait été une sorte de deuxième débat d’investiture, ce qui n’était pas souhaitable. »
    Pendant que les réformateurs déjeunent à l’Élysée, je déjeune, moi, avec Yves Guéna. Il sera donc le seul candidat à la direction de l’UDR. Il en est, sans arrière-pensée, ravi : il pense que ce poste lui revenait normalement et il est très ému par la façon dont la

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