Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
liminaire est très court : d’emblée, il précise qu’il est là jusqu’en 1981 et que les institutions lui assignent la mission de se préoccuper de l’avenir, le gouvernement ayant en charge les problèmes quotidiens.
Il annonce deux intentions : faire en sorte que la France soit une démocratie « réfléchie et paisible », et faire en sorte que, ne pouvant compter au nombre des super-puissances, elle puisse figurer « dans le groupe de tête des pays de dimension moyenne ».
Pour qu’elle soit réfléchie et paisible, il faut, dit-il, que sa vie politique reflète une certaine unité et un consensus économique et social. « Le chemin qui conduit à ce consensus, termine-t-il, est celui de la réforme. »
Pour être du Giscard, c’est du Giscard ! Bien dit et finalement assez peu dense. Il aurait pu déclarer cela il y a un an, ou pourrait le répéter demain.
Ce qui est étonnant, dans une conférence de presse où les journalistes qui, d’ordinaire, parlent beaucoup à l’extérieur de l’Élysée et se taisent le plus souvent lorsqu’ils y sont, c’est l’avalanche des questions posées.
Beaucoup touchent à la politique intérieure. Et plus précisément à ce qui se passera au moment des élections. Que ferez-vous si la gauche gagne ? demande l’un. Réponse importante : « La réponse à votre question figure dans un livre, le seul dont je sois accompagné : la Constitution de la République française. J’appliquerai donc les dispositions républicaines. »
C’est-à-dire qu’il gouvernera avec la gauche ? Il n’a pas l’air de l’exclure, même s’il fait deux considérations : la première est qu’il ne veut pas privilégier cette hypothèse par rapport aux autres, « d’autant que celle que vous m’indiquez ne me paraît pas la plus probable ». La seconde est qu’il y aura beaucoup d’événements jusqu’en 1978, et que, « d’ici là, il coulera beaucoup de la Seine sous le pont Mirabeau ».
Sa réponse la plus longue, il la fait sur les plus-values. Quelle serait votre réaction, lui demande-t-on, si les parlementaires rejetaient votre projet de loi ? La réponse est détaillée : VGE dit que la réforme a fait l’objet d’études en commission, qu’elle a été discutée par le Conseil économique et social, que le débat parlementaire est là pour clôturer l’ensemble de ces démarches précautionneuses. Il justifie l’impôt que sa majorité critique en disant qu’il s’agit d’une œuvre de justice, que personne ne peut défendre que les plus-values ne soient pas soumises à impôt. Il prend appui sur Caillaux 23 , qui a déclenché un tollé parlementaire lorsqu’il a imaginé l’imposition sur le revenu. Ceux qui voteront contre, prévient-il, « ne pourront pas revendiquer leur place dans la majorité réformatrice ».
Diable ! Dans ce cas, il va y en avoir quelques-uns qui ne vont pas passer la rampe, car dans son propre parti Giscard risque d’avoir des déconvenues.
Autre question qui touche davantage à l’organisation de la société « libérale avancée » : la peine de mort. Pour la première fois, le président annonce qu’il souhaite que la collectivité nationale se pose le problème, mais que le moment ne lui semble pas bien choisi après l’affaire de Troyes.
Le reste tourne autour de l’inflation, de l’agitation dans les universités. À peine une petite question sur la sortie du « serpent » monétaire, qui paraît déjà oubliée.
Avec Jacques Toubon, je reviens hier – le 21, donc – sur cette histoire du texte de Pierre Juillet, ce document favorable aux élections anticipées pour gagner de vitesse les républicains indépendants et les centristes. Ce n’est pas un texte de Juillet, qui d’ailleurs n’écrit jamais, mais une note de René Tomasini. Celui-ci l’avait directementremise au Premier ministre – ce que Chirac conteste aujourd’hui, mais passons ! – l’avant-veille de Pâques. Ce serait Tomasini lui-même qui aurait communiqué sa note aux journalistes.
Mon interprétation est autre : Tomasini a bien rédigé cette note – et, après tout, pourquoi pas ? –, mais c’est Gadot qui l’a rendue publique. J’en sais quelque chose, puisque c’est lui qui me l’a communiquée ! J’ajoute qu’un accord existerait bien, en effet, entre Tomasini et Gadot : le second serait en train de guigner très fort le siège de Tomasini aux Andelys en 1978. Comme
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