Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977
sociales. »
Pendant la pause « boisson et café », le ton se radoucit : « Partez-vous en vacances bientôt ? interroge Mitterrand.
– Oui, répond Séguy, j’aime bien marcher dans les bois. »
La délégation socialiste s’est longtemps demandé, après cette intermède avec la CGT, à quoi correspondait le « cirque » de Séguy.
Quelques jours après, réunion au sommet entre les deux partis, cette fois sur les municipales. Georges Marchais arrive avec Charles Fiterman, Maxime Gremetz et Pierre Juquin. Pas de Paul Laurent ni de Roland Leroy, cette fois. Marchais, qui a manifestement envie d’arriver à un accord, prend au vol une phrase de Mitterrand qui dit : « Nous recherchons le meilleur accord possible entre nos partis. »
Phrase d’autant moins originale qu’elle figure texto dans la motion du congrès socialiste de Dijon.
Marchais bondit : « Oh, très bien, on va le rédiger tout de suite, cet accord ! »
Ce qui est fait.
Le lendemain, lorsque les journaux concluent que le PC a « calé » devant les socialistes, Marchais ne pipe pas mot.
Les vacances passent. Arrive la traditionnelle fête de L’Huma . La délégation socialiste reçoit un accueil plus que chaleureux : « Je m’y rends depuis cinq ou six ans, affirme Estier. C’est la première fois que j’ai été accueilli comme cela ! »
Deux heures après, dans son allocution en public qui clôture la fête, Georges Marchais met un point final, affirme-t-il, à « la polémique avec le PS ».
Depuis, m’assure Estier, il a tenu parole. Lorsque Mitterrand est intervenu sur le plan Barre à l’Assemblée nationale, les communistes l’ont applaudi. Ils s’en étaient abstenus dans des circonstances analogues lors de la rentrée parlementaire de 1975.
Nous nous interrogeons sur l’attitude de Georges Marchais. Il s’appuie, selon Claude Estier, sur une nouvelle génération de militants, lesquels sont unitaires. Ce sont les cadres intermédiaires qui résistent, pas forcément les vieux cadres staliniens qui en ont vu de toutes les couleurs, mais les jeunes cadres passés il y a une dizaine d’années par les écoles de cadres du parti. Marchais passe au-dessus de tous ces cadres intermédiaires pour s’appuyer sur la base du Parti communiste. Il force la main à la direction.
L’argument employé contre lui par ses opposants est simple : ils évoquent le danger d’une perte d’identité du PC. L’argument de Marchais est également simple : il veut être le dirigeant communiste qui a amené le parti au pouvoir. Il n’a plus que cette issue. Sinon, il sera liquidé.
8 novembre
J’accompagne Jacques Chirac en Corrèze, où, son suppléant, le docteur Belcour, s’étant retiré pour lui permettre de retrouver son siège au Parlement, il se présente à des législatives partielles dans la troisième circonscription.
Il a donc rencontré Giscard le 4 novembre dernier. Il commence par me dire : « Je ne peux pas vous dire ce que m’a dit VGE. Quand j’étais petit et que j’allais chez ma grand-mère à Sainte-Féréole, elle me promettait une surprise et un cadeau. La surprise, avec Giscard, c’est qu’il n’y a pas eu de cadeau ! »
Ses électeurs aussi lui demandent pourquoi il s’est rendu chez Giscard. Il répond : « Ah mais, quand même, c’est quelqu’un de fréquentable, non ? Je ne savais pas que c’était infamant ! »
« Enfin, me dit-il en aparté, cela m’a fait perdre quelques voix, je le crains ! »
Pendant un long moment, je ne lui tire pas grand-chose sur Giscard. Manifestement, il n’en attend rien. Entre eux, c’est terminé.
Pourtant, me dit le docteur Belcour, tandis que Chirac harangue les uns et les autres, cela aurait dû marcher. Mais il y a les entourages, et puis il y a « la formidable tentation, qui est celle de Giscard, d’être à côté de la réalité » : « La chasse à l’ours en Pologne, précise-t-il, et le safari en Afrique pendant l’été ! »
Finalement, Chirac finit par me laisser entendre, par un biais, la teneur de la conversation qu’il vient d’avoir avec Giscard. Le biais, c’est François Mitterrand :
« La panique sera inimaginable, me dit-il, si la gauche gagne en 1978. Mitterrand sera dans une situation épouvantable, il devra, pour resserrer sa majorité, gouverner avec les communistes. Il leur donnera des postes importants pour mobiliser tous les siens et lutter au maximum contre le
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