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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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dit Giscard, comme s’il n’y pouvait rien.

    15 avril
    Séminaire gouvernemental à Rambouillet. C’est le deuxième du septennat. L’objectif est que les ministres – les nouveaux, surtout – fassent connaissance. Le protocole est le même que la fois précédente : les ministres arrivent les premiers, s’installent dans la chambre qui leur a été réservée, puis se retrouvent dans le Salon des marbres, rouge et gris, transformé en salle des banquets dès... 1556.
    La tenue en dit long sur la décontraction réelle de ce genre de séminaire. René Haby est apparu en col roulé : cela n’a pas été, paraît-il, du goût de Raymond Barre, qui a eu quelques mots ironiques pour souligner son négligé !
    Le lendemain samedi, les secrétaires d’État font à leur tour leur entrée au château. Ils n’ont pas droit, eux, aux chambres dans les étages. Ils sont là pour participer aux débats, puis se promener dans le parc frisquet, autour de la pièce d’eau. Difficile de se faire une idée de ce qui s’est réellement passé. Peut-être rien, ou pas grand-chose.

    Roger Stéphane me raconte le soir que l’ambassadeur de France en Arabie Saoudite a récemment demandé audience à Giscard : il avait été convoqué par le prince, qui lui avait signifié en termes simples et clairs que, si les communistes arrivaient au gouvernement en France, son pays romprait ses relations diplomatiques, commerciales, culturelles, que sais-je, avec Paris.
    Très embêté, l’ambassadeur propose à Giscard d’écrire au souverain saoudien une lettre dans laquelle il dirait que, si la France a quelques ministres communistes, cela ne voudra pas dire que la France sera communiste, lettre qui pourrait se terminer par une phrase du genre : ma présence à moi, Giscard, à l’Élysée, garantira le contraire.
    Cette lettre, Giscard l’aurait signée sans souffler mot.

    26 avril
    Nouveau discours d’investiture du gouvernement Barre devant l’Assemblée. Un Barre plaidant en faveur de son plan d’action pour les douze mois à venir, avec pour principale préoccupation de ne pas laisser l’opposition lui reprocher un changement de cap. Mesures en faveur de l’emploi des jeunes, exonérations de charges sociales, contrats emploi-formation pour les femmes, création de vingt mille emplois de vacataires, sans oublier les primes de retour pour les immigrés, et, surtout, pré-retraite à soixante ans, réajustement du minimum vieillesse : il est sûr des mesures qu’il propose, sûr de son coup, et cela se voit à la tribune.
    François Mitterrand lui répond : les élections municipales ne sont pas des législatives, certes, il n’empêche que, tout à l’heure, à son arrivée au Palais-Bourbon, il a davantage été accueilli comme le chef d’une nouvelle majorité que comme celui de l’opposition. Cela lui donne l’occasion de pousser son avantage, au moins à la tribune du Parlement. « Ainsi continuent les tâtonnements » : c’est en ces termes qu’il accueille le plan d’action de Barre. Il s’est tu quelques mois, lorsqu’il n’avait pas encore vu Raymond Barre à l’œuvre et qu’il le redoutait. Aujourd’hui, il n’y va pas de main morte sur ce Premier ministre dont le mérite principal, selon lui, « consiste à nous avoir délivrés de vos prédécesseurs », mais qui ferait mieux, au lieu de demander sa confiance à l’Assemblée nationale, de « mesurer la confiance du parti ami, voisin et ennemi qui vous guette », et qui n’a enfin atteint aucun des objectifs qu’il s’était fixés l’année précédente.
    Claude Labbé, intervenant au nom du groupe parlementaire RPR, commence son propos par un extraordinaire lapsus : il parle de l’équipe gouvernementale pour juger que cette « seconde équipe est meilleure que le président, euh... que la précédente ! ». Communistes et socialistes se frappent bruyamment les cuisses, tandis que Labbé, habilement, montre en quelques phrases acides pour Raymond Barre les limites de son soutien au gouvernement :
    « Il est clair que notre accord ne vaut pas approbation de l’ensemble de votre politique. Vous n’êtes pas tenu de nous demander un chèque en blanc, et vous saviez que nous vous l’aurions refusé. » Et, pour qu’on comprenne bien, il termine ainsi : « C’est dans cet esprit que nous adopterons les mesures que vous proposez sans avoir le sentiment d’accorder à votre gouvernement une confiance

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