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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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rythmés et les cris : « Simone, Simone ! », ce que cela lui fait ? « Ça m'exaspère ! » Puis : « Non, cela m'angoisse, réellement. »
    Elle fait, c'est vrai, ce qu'on lui dit de faire, mais avec une sorte de cran et d'obstination que j'aime bien. Son Europe, donc, c'est celle du bon sens. Celle des petites choses qui, ajoutées les unes aux autres, finissent par faire bouger les gens et les consciences. Avec cet argument qui porte : « Ceux qui parlent sans arrêt de faire de grandes choses sont en réalité ceux qui ne veulent rien bouger. » Argument bien féminin, qui tranche justement (comme son ton, d'ailleurs) avec le langage habituel des hommes politiques. C'est pour cette raison, entre autres, qu'elle plaît.
    Sur le plan de l'anecdote, je lui demande comment et quand Valéry Giscard d'Estaing a pris la décision de lui confier la tête de liste européenne pour l'UDF. C'est un intermédiaire, dont elle tait le nom, me raconte-t-elle, qui, le premier, lui a dit que Giscard pensait à elle. Pour la tâter, évidemment, de peur qu'elle n'aille opposer un refus au président de la République. Lorsqu'elle a dit qu'elle n'y était pas opposée, Giscard l'a appelée et lui a confirmé son dessein.
    Je me demande également quelles sont ses relations avec son mari. « C'est dur, pour lui, répète-t-elle ; c'est lui qui avait envie de faire de la politique ! Pas moi ! »
    Elle raconte en riant qu'il y a quelques années, son mari et elle dînaient, comme assez souvent, avec Marie-France Garaud. Marie-France et Antoine parlaient politique depuis déjà plusieurs minutes lorsque Simone, alors magistrate, a placé un mot. Antoine et Marie-France l'ont regardée avec surprise : « Nous parlons politique ! » ont-ils dit, interloqués à l'idée que Simone pût avoir quelque idée à exprimer sur le sujet !
    Elle raconte cette histoire avec une délectation singulière. Prend-elle une revanche sur son mari, au demeurant exquis ? Je ne pense pas qu'il s'agisse de revanche, car, d'après ce que je peux en juger, elle s'entend bien avec son mari et adore ses enfants qui le lui rendent bien. Non, il ne s'agit pas de revanche, mon mot est mal choisi. Il s'agit peut-être simplement du bonheur d'exister, et de le montrer à tous les Français, au-delà de sa propre famille.
    La justice reste néanmoins son domaine de prédilection. Il me semble qu'elle n'aime guère Peyrefitte dont elle me dit qu'il raconte n'importe quoi sur le sujet. Alice Saunier-Séité aussi l'amuse, avec son côté vulgaire et vigoureux.

    6 juin
    Conférence de presse de Jacques Chirac. Il arrive assez bronzé, du diable sait pourquoi, complet brun et cravate gris-bleu-marron. Il commence par parler « off », comme on dit, à Anita Hausser 28 , de kougloff et du plat qu'il préfère en Corrèze : la fraise de veau (qu'il faut, explique-t-il avec soin, commander directement aux employés de l'abattoir). Sera-t-il candidat en 1981 ? Réponse nette sur la « politique du pire » qu'il assure n'avoir jamais été la sienne. Cependant, pour la première fois, me semble-t-il, il laisse la porte ouverte à la possibilité d'une candidature s'il juge, dit-il, que c'est le meilleur moyen de battre la gauche.
    Aura-t-il pris date, en juin, après les européennes ? lui demandons-nous. Oui, manifestement.
    Et quel est son sentiment à l'égard des ministres gaullistes qui ne soutiennent pas sa campagne ? Il se montre magnanime : « Pour dire le vrai, je ne leur en veux pas. »
    Paroles qui m'amusent lorsque j'imagine comment, dans le secret de leurs bureaux, Pierre Juillet, Marie-France et lui ont dû en parler !

    10 juin
    Élections européennes 29 . Beaucoup d'abstentions. Les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances de Chirac. De Debré non plus ; mais lui, au moins, avait perçu dès le début que la campagne ne marchait pas. Piètre consolation pour lui, je pense. Il paraît que, lorsque Marie-France Garaud a montré à Jacques Chirac les premières estimations, autour de 16 %, Chirac a pâli : « Ce n'est pas possible », aurait-il murmuré.
    Succès pour Simone Veil, en revanche, donc pour Giscard, et pour Mitterrand, qui, cette fois, domine largement les communistes.

    12 juin
    Pierre Hunt, à l'Élysée, me dit que Giscard est très satisfait des résultats malgré la forte abstention à laquelle il s'attendait. Il n'y aura aucun remaniement.
    Hunt m'explique longuement que si, à

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