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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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d'originalité française, il n'y a qu'une originalité européenne.
    Je trouve cela légèrement contradictoire. Mais c'est le fond de la pensée de Lecanuet, il me semble ; et il paraît rassuré que Giscard soit sur la même ligne.
    Lecanuet continue sur l'URSS : « Les Soviétiques ont eu une occasion de passer en force en Afghanistan. Je n'arrive pas à croire que, maintenant, ils vont foncer vers l'Iran, vers les Émirats. Il faut du temps au boa pour digérer ! Ce que je crains plutôt, c'est que, pendant que le boa digère, nous, nous nous rendormions ! Mon souhait serait que cette grave alerte nous tienne éveillés. »
    Il considère que la détente est un problème politique d'« équilibre des forces en présence », et ne pense pas que Giscard, sur ce terrain, partage globalement ses idées. Le Président est pour la détente, certes, mais il ne juge pas qu'il soit prioritaire aujourd'hui de renforcer l'Europe militaire.
    « Je me demande, s'interroge-t-il, si Valéry Giscard d'Estaing ne traite pas les problèmes internationaux comme il traite les problèmes de politique intérieure ; il a la conviction que l'intelligence, la raison sont plus fortes que le drame et la passion. Il n'a pas une vision tragique du monde. Il démonte admirablement les mécanismes et sait faire jouer les antagonismes. Mais il ne croit pas que les forces obscures puissent finir par triompher.
    « Je me souviens, poursuit-il, d'un récent débat en Conseil des ministres sur la défense française. Giscard avait un point de vue optimiste sur l'état militaire de la France. Il était tout à fait optimiste aussi sur les intentions de la Russie soviétique. À un moment, je suis intervenu. J'ai dit : “Le garde des Sceaux n'a rien à dire sur ce problème, mais je voudrais qu'on me montre comment la plus forte armée du monde, l'Armée rouge, arrivée en Afghanistan, va rouiller sur place ?” Giscard m'a répondu qu'il n'y avait rien d'alarmant dans l'attitude de la Russie : “L'Afghanistan, m'a-t-il dit, c'est fait, ils ne vont pas le refaire. Quant à Sakharov, on ne l'a pas envoyé au goulag, mais en résidence surveillée à Gorki !” »
    Lecanuet n'est pas du tout convaincu : « Je n'embrasse pas cette thèse, parce que je suis convaincu que l'URSS fait un effort militaire considérable et que l'avancée de la puissance soviétique est évidente. Il est vrai que le boa digère avec lenteur ; il n'en avance pas moins. »
    En marge de ce débat, nous parlons des Jeux olympiques qui doivent se tenir à Moscou en août prochain 6 . À l'entendre, l'électorat de l'UDF est divisé sur ce point : une majorité aimerait bien que la France n'y participe pas, ou alors que les Jeux soient en quelque sorte dénationalisés, sans hymnes et sans drapeaux.
    « Les JO, me dit-il, ne sont en réalité qu'un gadget. Le vrai problème est celui de la menace planant sur la détente. Comment rétablir les équilibres ? Par l'équilibre des forces en présence. Ce qui veut dire un effort américain, certes, mais aussi un effort militaire des pays européens. Plutôt que de s'exciter sur la détente, on ferait mieux de dénoncer les accords d'Helsinki 7  ! »
    D'où son désir d'une politique de défense commune à l'Europe. Vieux débat datant de la IV e  République, qui a vu s'effondrer les espoirs du MRP face à l'opposition des communistes et des gaullistes. L'entrée des Soviétiques en Afghanistan fera-t-elle ce que les Français refusent depuis 1954 ?

    Même jour : Pierre Hunt à l'Élysée. La volonté de dédramatiser la crise est nette. La polémique sur les Jeux olympiques de Moscou ? On a bien le temps de s'en préoccuper : la décision finale sera prise en mai, et elle sera prise en Conseil des ministres.
    Certes, mais Simone Veil s'est prononcée pour une non-participation de la France. N'engage-t-elle qu'elle-même ? Mme Veil, me répond mon interlocuteur, n'est pas membre du gouvernement. Bref, il faudra attendre le mois de mai pour savoir ce que la France va faire.
    « L'essentiel, me dit Pierre Hunt, reprenant en quelque sorte la conversation là où je l'avais abandonnée avec Jean Lecanuet, est la politique de détente. La détente est un des legs les plus importants du général de Gaulle. Tout cela ne se bazarde pas parce que Jimmy Carter est en campagne électorale ! »
    Façon de dire que la surenchère actuelle, l'agitation autour de l'entrée des Soviétiques en Afghanistan,

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