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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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enthousiasme.
    – Ce qui est à vous est à nous, dit la geisha, pleinement dans son rôle. Ce qui est à nous est donc à vous. Le voulez-vous ? »
    À la grande surprise des autres convives, Giscard prend le kakémono et l'emporte.

    24-25 février
    Voyage de Jacques Chirac à Toulon, Digne, Marseille, Aix : tout le Sud-Est en deux jours, qui dit mieux ?
    Nous commençons par atterrir à Toulon. Là, sous un chapiteau aux portes de la ville, les militants RPR attendent Chirac, ravis qu'il les ait choisis pour entamer sa campagne.
    Son premier meeting, donc, avant l'heure du déjeuner, est annonciateur de la campagne qui suivra. Par le vocabulaire, d'abord : les mots espérance, espoir, redressement, volonté, autorité, fermeté dessinent le fond de son discours. Puis par son opposition non pas à Giscard, qu'il ne nomme même pas, mais au gouvernement. Celui-ci s'est trompé : son principal responsable, Raymond Barre, passe son temps à dire qu'il ne peut pas faire mieux que ce qu'il fait, notamment contre le chômage.
    « Il n'est déjà que trop tard » ; « Si nous voulons sauvegarder la démocratie, il faut l'exercer avec la fermeté nécessaire pour sauvegarder les libertés et la sécurité » : tels sont les principaux leitmotive martelés par Chirac.
    Le constat qu'il dresse de l'activité gouvernementale est en tout point négatif, et je ne vois pas ce qui, d'ici la fin de sa campagne, pourrait le faire changer de ton. Il parle de la voie de la résignation ouverte au pays, de l'acceptation de la fatalité, de l'affaiblissement intérieur et extérieur, de l'absence d'espoir, de graves désillusions. Conclusion à Toulon : « Entre la résignation et l'aventure, il est possible d'ouvrir un autre choix ! »
    Sitôt terminée son adresse aux Toulonnais, Jacques Chirac saute dans un hélicoptère qui l'attend au bout de la jetée, pour rejoindre Digne. Bernard Pons et moi – privilégiée, j'en conviens, par rapport aux autres journalistes invités à se rendre directement à Marseille où le candidat RPR doit revenir en fin d'après-midi – sommes seuls admis à monter dans l'appareil.
    À peine installé, Chirac s'endort. Il ne voit pas le brouillard tomber sur la montagne au fur et à mesure que nous nous éloignons de la côte. Pons et moi nous remarquons non sans angoisse le pilote et le copilote consulter des cartes, des carnets de bord. Comme toujours, ils ne nous donnent pas d'indication.
    Au bout d'un quart d'heure, qui me semble durer très longtemps, le brouillard se lève. Un hélicoptère de la gendarmerie, envoyé pour retrouver l'hélico de Chirac dont on nous dit seulement maintenant qu'il s'était perdu, nous montre le chemin. Nous voici débarquant sur le stade de football de Digne. Bernard Pons et moi sommes verts de peur. Chirac, lui, ne se réveille que lorsque les pales s'arrêtent de tourner. Il n'a rien vu, rien senti. Il rit quand nous lui racontons notre aventure qui était aussi, sans qu'il en ait eu conscience, la sienne. « Vous voyez bien que j'ai la baraka » : tel sera son seul commentaire.

    Après son allocution de Digne où il faut bien dire qu'il n'y a pas un monde considérable, nous reprenons – en ce qui me concerne, toujours morte de peur – le même moyen de locomotion. Dans l'hélicoptère où, cette fois, il ne s'endort pas, Chirac parle comme à son habitude, rigolard et potache, sérieux et détendu à la fois.
    Pour le moment, il juge que sa campagne ne va pas trop mal, et même qu'elle marche bien. Il ne veut pas pour autant se faire d'illusions : « Je suis tout seul, alors évidemment ça marche. Lorsque Giscard prendra le départ, les choses changeront. Je ressentirai un à-coup, je baisserai ; et puis je remonterai... D'ailleurs, poursuit-il, il a tort de trop attendre, il aurait dû partir plus tôt. C'est Mitterrand qui a raison ! »
    Il éprouve néanmoins une véritable inquiétude : après le 9 mars, date prévue pour son débat électoral télévisé, aucun autre passage à la télévision n'est prévu pour lui en dehors de la campagne officielle organisée dans les quinze derniers jours.
    C'est un désavantage, certes, mais je pense que c'est la loi du genre. Tous les candidats ne peuvent pas passer à « Cartes sur table » ou au « Grand débat » en même temps, le jour précédant le vote ! La campagne officielle est organisée justement dans le but de mettre in fine tout le monde sur le même

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