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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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politique de RTL, à l'Élysée. J'en profite pour résumer les chapitres précédents à Chirac et pour les consigner ici en même temps le plus brièvement possible.
    Il manquait depuis longtemps à RTL, radio populaire, une émission de prestige. Raymond Castans, directeur des programmes, avait envisagé, à la fin de l'année 1980, une émission commune avec Le Monde . En tant que chef du service politique, ce fut à moi de monter le projet. Inutile de dire que je n'avais pas à tenir l'Élysée au courant de ce rapprochement avec le quotidien du soir, et que personne, d'ailleurs, pas plus Jacques Rigaud que Raymond Castans, n'avait jugé bon de le faire : RTL n'était pas une radio d'État, mais un média indépendant !
    L'accord signé, j'ai cru utile d'en dire un mot à Jean-Marie Poirier. Je l'appelai, il était chez le Président, on me dit qu'il me rappellerait. Dans l'intervalle, la dépêche AFP annonçant la création de l'émission était tombée. Le téléphone a sonné dans ma voiture alors que je revenais chez moi. C'était Jean-Marie Poirier :
    « Une émission avec Le Monde  ? m'a-t-il demandé, une certaine angoisse dans la voix.
    – Oui, c'est bien, non ?
    – Le président de la République ne vous pardonnera jamais cette alliance avec Le Monde  ! Un conseil : vous devriez renoncer à ce projet.
    – Trop tard. »
    Le lendemain matin, pas flambarde, j'étais allée proposer ma démission à Jacques Rigaud de crainte de perturber durablement les relations entre Rigaud, les Luxembourgeois et l'Élysée ! « Vous avez conclu cet accord en notre nom à tous. Il n'est pas question d'y renoncer ! » me répondit Jacques Rigaud.
    En fait, assez vite, je m'aperçois que cette conversation gêne plutôt Chirac. Comme s'il se disait qu'après tout Giscard n'avait pas tort, comme si sa démarche vis-à-vis d'une radio comme RTL était somme toute naturelle ! Si les dirigeants des radios se mettent à ne pas consulter les hommes politiques sur leurs initiatives, où allons-nous ? J'exagère un peu, mais je suis sûre que c'est ce qu'il pense.
    L'entretien avec Chirac a duré plus d'une heure. L'éclat de ses yeux (je veux dire l'angoisse que j'y lis) quand il me dit au revoir... Les jeux sont faits, rien ne va plus !

    25 avril
    La campagne s'achève. Que dire, ce soir, quand les lampions sont éteints ? Je sais maintenant – les Français le savent aussi – que Chirac est allergique à la musique, mais adore la peinture abstraite. Que Giscard aime Flaubert et Maupassant, mais déteste l'art moderne. Que Mitterrand préfère Chateaubriand. Que la mère de Georges Marchais était une catholique croyante et qu'il a un fils de 12 ans. Qu'Arlette Laguiller ne s'est volontairement pas mariée. Qu'Huguette Bouchardeau est agrégée de philosophie. Que Michel Debré a une passion, le théâtre, particulièrement Eugène Labiche.

    28 avril
    Un premier tour où le score de François Mitterrand est inespéré (26 %) 21 , celui de Giscard aussi (28,32 %). Chirac est troisième avec un score (18 %) que je juge décevant pour lui, même s'il est supérieur de 3 points à celui de Jacques Chaban-Delmas en 1974. Avec seulement 15 %, Georges Marchais a en main la possible victoire de François Mitterrand. Il est clair que certains des électeurs communistes ont voté pour Mitterrand dès le premier tour : c'est le cas dans le Nord et le Pas-de-Calais, notamment.
    Il faut voir, pendant les premières minutes de la soirée électorale à RTL, le coup d'œil qu'échangent hors antenne Bernard Pons et Gaston Defferre : « Giscard est cuit », me glisse Bernard Pons à l'oreille !

    29 avril
    J'ai Michel Rocard au téléphone, car je me suis plainte auprès de ses services de ne pas avoir pu le joindre pendant toute la durée de la campagne. Il n'est pas ravi, bien sûr, du succès de Mitterrand, ce 26 avril, même si d'aucuns lui disent qu'après tout il est aussi responsable du bon score du PS, puisqu'il a contribué à moderniser son image. Il en prend acte, mais, lorsque je lui demande s'il accepterait d'être Premier ministre de Mitterrand, il me dit, assez sec : « Tu parles ! Non, je ne le serai jamais. Cela m'étonnerait bien, en tout cas ! »
    Je me rends évidemment compte à quel point ce succès de Mitterrand lui bouche l'horizon. Pour longtemps, peut-être.

    Dans la journée, déplacement à Bourges de Giscard où il rencontre les parlementaires et conseillers

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