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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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indépendance et la voulant, vais me mettre à protester ! Mon étonnement est simplement venu de la rapidité de la décrue...
    On a eu tôt fait d'apprendre, il me semble, qu'il est vain de vouloir nommer tel ou tel responsable à la tête d'un journal, d'une radio ou d'une télévision. La presse, elle, a ses raisons que la raison ne connaît point.

    Dans le calme revenu, un mois après qu'elle nous eut esquintés avec ardeur, nous avons tenu notre conférence de presse, désormais traditionnelle, sur le bilan de l'année. J'ai répondu d'une phrase en apparence sincère, et, ô merveille, le journaliste qui me la posait n'a pas cherché à aller plus loin. L'orage était passé, il était du passé : personne n'avait plus envie d'ajouter son petit seau d'eau au déluge.
    Pourtant, rien, depuis maintenant trois mois, ne s'est vraiment arrangé. Si j'ai repris la plume aujourd'hui, ce soir, à la nuit tombée, c'est pour retrouver ma liberté d'avant et, si j'y parviens encore, mon regard d'avant sur les choses et sur les gens.

    3 avril
    Comme je m'y attendais, Jean-Claude Héberlé, parce qu'il a été élu pour le faire, a fait le ménage. Première victime : Albert Du Roy, irréprochable directeur de l'info, beaucoup plus à gauche, sans doute, qu'Héberlé lui-même.
    Puis seconde victime, pour incompatibilité d'humeur avec le président de la chaîne : Christine Ockrent. Parmi les présentatrices de télévision, Christine Ockrent est de loin la plus populaire. Parce qu'elle a un art particulier, celui qui fait les stars de l'écran, de « prendre la lumière », comme nous disons dans notre jargon. Et aussi parce qu'elle est avant tout une professionnelle. Je la connais depuis des années déjà et je me demande toujours quelles sont ses options politiques. Bien malin qui pourrait dire de quel côté elle penche.
    Ce double départ nous pose problème. Derrière tout cela, faut-il voir des interventions politiques, comme la presse et quelques-uns d'entre nous au sein de la Haute Autorité l'imaginent ? Héberlé s'insurge contre ces interprétations, parle de procès, d'« affirmation infamante » : ce sont ses termes. Il vient s'expliquer longuement, aujourd'hui, à notre convocation, sur le départ d'Albert Du Roy. Il prétend que celui-ci aurait trouvé « pesant » le fardeau de l'info à Antenne 2. « J'ai porté Du Roy à bout de bras », me dit-il avant de m'assurer qu'il a tout fait pour le retenir lorsque celui-ci lui a donné sa démission.
    Avec Christine Ockrent, les choses sont allées plus vite. Christine lui a demandé des garanties d'autonomie le 28 mars à 13 heures, au bar du George V où il lui avait fixé rendez-vous. À 21 heures, il recevait une lettre à son domicile : les garanties n'étaient pas suffisantes. Christine tirait sa révérence.
    En privé, puisque je la vois le soir même, elle avoue sans se faire prier que ses rapports avec Héberlé étaient quotidiennement conflictuels, pas seulement sur le plan politique, mais sur tout le traitement de l'information, et qu'elle a bien senti, assez vite, qu'il voulait sa peau. D'ailleurs, après son départ, me dit-elle, il a poussé la mesquinerie jusqu'à vouloir entamer contre elle une procédure en rupture de contrat abusive !
    En outre, Christine a été la première femme présentatrice de JT en France. Sans être outrageusement féministe, je regrette aussi, de ce point de vue, son départ d'Antenne 2.
    Bien qu'Héberlé jure le contraire, bien qu'elle-même n'en dise rien à la presse 17 , je reste convaincue que des pressions politiques se sont exercées pour obtenir le départ de Christine.
    Je me demande bien pourquoi. Sans doute parce qu'elle a été nommée présentatrice du JT de 20 heures par Pierre Desgraupes, et qu'à ce titre elle n'a pas la confiance de celui qui l'a remplacé. Ni davantage celle de l'actuelle majorité...
    Je rigole en pensant qu'elle vit plus ou moins – et plutôt plus que moins – avec Bernard Kouchner, qui est tout sauf un homme de droite. Le procès politique serait difficile à instruire !
    Son départ, après celui de Du Roy, est, je trouve, un inutile appauvrissement pour Antenne 2. D'autant qu'il se double d'un départ pour une année prétendue sabbatique de Michel Drucker, et de l'arrêt de son émission la plus populaire, « Champs-Élysées ».

    5 avril
    Autre départ, du gouvernement celui-ci, à la une des journaux : celui de Michel Rocard,

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