Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
l’année prochaine, sera « sous-traitée ». Roland Leroy, apparemment, en a assez de jouer les Monsieur Loyal d’une fête à laquelle il ne croit plus et qui ne lui rapporte plus rien.
7 septembre
Simone Veil, Charles Pasqua et Jean-Pierre Chevènement s’attardent sur le plateau, à la fin de l’émission « 7 sur 7 – spécial référendum ». Ils sont les uns et l’autre convaincus, chacun dans un sens différent. Leur dialogue reste agréable, presque amical.
En quittant le studio, Simone Veil me confie qu’elle s’angoisse, depuis l’été, à la perspective que le « non » l’emporte. Quant à Charles Pasqua, il me confie que c’est lui qui a dit à Chirac : « Si le non est à 50,01 %, tu seras jugé responsable d’avoir donné le coup de pouce décisif à Mitterrand. »
Tout le monde autour de moi trouve que Philippe Séguin a été bien gentil avec Mitterrand, l’autre soir, trop courtois, pas assez convaincant.
Séguin, lui, me dit-il, s’est trouvé assez bon ; en tout cas, il a évité de se heurter de front à Mitterrand, combat du jeune contre le vieux dans lequel il n’aurait pas, dit-il, été à son avantage. Je le crois ; je pense que, pour son image future, il a eu raison.
Anne Sinclair m’a raconté qu’après son émission à la Sorbonne, Mitterrand a appelé Guillaume Durand pour lui dire : « Vous avez sauvé l’Europe ! »
Pour le vieux grognard gaulliste et chahuteur Robert-André Vivien, le débat Mitterrand-Séguin, « c’était Ramsès II sans bandelettes, et Astérix sans potion magique » !
10 septembre
Discussion collective sur l’Europe, au Siècle, hier soir, avec Hubert Védrine, Pierre Rosanvallon et d’autres. Un « non » à Maastricht serait, pour la classe politique, un désaveu majeur. De toute façon, si les résultats sont ceux que prédisent les sondages, cette campagne référendaire aura été, pour la classe politique, un échec. Aucun leader n’est arrivé à mobiliser pleinement son électorat. Pour le Parti socialiste, ce sera de toute façon, au mieux, une semi-réussite : Fabius n’est pas apparu, Lang a été « exécrable dans la flagornerie », dit l’un des convives. Quant à l’effet Mitterrand, après son émission du 3, « il s’est affaissé comme un soufflet ».
En sortant, Védrine me retient quelques instants : il s’étonne de l’omniprésence de Jack Lang dans la campagne télévisée. Je tombe des nues : Lang n’est-il pas le responsable officiel de la campagne ? Lui-même m’a dit l’autre jour au téléphone que le Président – sic ! – lui « avait remonté les bretelles, parce qu’il était trop absent des débats télévisés ! ». En réalité, d’après ce que je comprends, il y a eu rupture, dix jours avant l’émission, entre l’Élysée (Védrine et Pilhan) et Jack Lang. Mitterrand voulait une émission sérieuse, réfléchie, documentée. Lang restait dans un registre « paillettes ». C’est Pilhan qui aurait demandé à Mitterrand d’être, pour une fois, clair et net, et de signifier à Lang qu’il n’était pas en charge de l’émission. Ce que le Président, paraît-il, a fait. Petite guerre pour grands enjeux.
Dans un autre registre, c’est Mitterrand lui-même, à en croire Le Monde , qui aurait demandé, exigé même que les grandes entreprises n’aient plus le droit de financer les partis politiques. Ce qui a créé de sérieux remous au sein du PS. De Fabius, d’abord, qui voit mal comment, avec les militants qui restent au PS, il pourrait pour l’heure financer la moindre action. De Lionel Jospin, ensuite, s’étonnant que les partis n’aient pas été consultés avant ce codicille au projet de loi sur le financement. De Rocard et de ses amis, enfin, qui perdent l’espoir d’un financement assuré.
Au fait, Mitterrand n’aurait-il pas voulu justement priver Michel Rocard de cette facilité-là ?
11 septembre
Mitterrand opéré de la prostate, ce vendredi matin. Il est à Cochin.
Élisabeth Guigou à son ministère. Son moral est à zéro. Pas seulement parce que Mitterrand est à Cochin. Elle n’a pas de mots assez durs pour les socialistes qu’elle est à peine parvenue à mobiliser lors de ses déplacements. En revanche, elle trouve que Giscard a été formidable dans la campagne. Sur l’Europe, rien ne la sépare de lui.
Cela annonce-t-il une recomposition ? Je dirais que les ministres
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