Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
revenir ! C’est très bien d’aller voir les militants ; vous avez bien raison ! »
Plus tard, à l’hôpital, Bernard Debré se trouvait dans la chambre du Président lorsqu’on annonce la venue de Pierre Bérégovoy.
« Ah, je suis sûr que vous ne l’aimez pas, celui-là ! dit Mitterrand à Debré.
– C’est-à-dire que..., bégaye Debré.
– Oui, oui, je vois bien que vous ne l’aimez pas. Eh bien, on va le faire attendre un petit peu. »
Il l’a laissé attendre près d’une demi-heure dans le couloir.
21 septembre
Tout petit « oui » au référendum. Un « oui » si faible que seuls les sondages ont pu, à 20 heures, le déceler. Jusqu’à 22 h 30, les résultats partiels qui nous arrivent sont négatifs. La tendance ne commence à s’inverser progressivement qu’en fin de soirée.
Ce que j’en retire, en allant vite :
1. Le recul de tous les partis dits de gouvernement : Giscard + Chirac + Mitterrand ne réunissent qu’à peine plus de 50 % ;
2. L’efficacité de la campagne du « non » : sur le thème « Oui à l’Europe, non à Maastricht », il a dominé la campagne. C’est Pasqua qui, finalement, a empoché la mise ;
3. Ce traité, personne ne l’a lu, et personne ne voulait le lire. Ceux qui ont voté « oui » ont voté pour une certaine idée de l’Europe et pour une espérance en un monde meilleur. Le seul qui voulait vraiment Maastricht, c’est celui qui l’a négocié : François Mitterrand ;
4. En ce qui concerne la politique française, deux partis sortent exsangues de la campagne, à quelques nuances près : le PS et le RPR. Le PS parce qu’il n’a pas existé, ne s’est pas mobilisé, est apparu, à l’image de Jack Lang, emphatique, ou, à celle de Laurent Fabius, peu convaincu, et qui, du coup, n’a su ni réunir ni mobiliser. Le cas du RPR est plus complexe. Il s’est divisé, Pasqua étant manifestement le leader du « non », majoritaire au RPR, tandis que Philippe Séguin a fait une percée spectaculaire dans la vie politique. Si tenants du « oui » et tenants du « non » savent se réunir pour les législatives, additionner leur capital, ratisser large,surmonter leur clivage actuel, alors ils seront forts, très forts pour les législatives.
Commentaire du « Bébête Show 40 » pendant la soirée électorale : « Le “oui” a pris un bide et le “non” a perdu. »
24 septembre
Hier, déjeuner avec Pierre-Christian Taittinger. Il est outré par la campagne de Charles Pasqua sur le « non ». Il affirme que le 2 juin dernier, Pasqua avait confié à quelques sénateurs qu’il allait se prononcer pour le « oui ». Plus tard, sans doute à l’instigation de Marie-France Garaud, il a voulu exploiter le « marché du “non” ». D’après Taittinger, Pasqua ne se serait déterminé qu’après que les sondages l’eurent convaincu que le « non » disposait bien d’un capital de voix en France. Et surtout, toujours selon Taittinger, il n’a décidé de se mobiliser pour le « non » que lorsqu’il a su que Chirac allait faire campagne pour le « oui ». C’était, pour Pasqua, une façon d’exister face à lui. « Chirac aurait voté “non”, qu’il se serait prononcé pour le “oui” », conclut Taittinger, résumant ainsi le réel manque de convictions de l’ancien lieutenant de Chirac.
Quant aux futures législatives, il me raconte que Mitterrand a conclu un accord avec Pasqua, encore lui, alors ministre de l’Intérieur, sur un découpage tel qu’il permettrait que la gauche garde au minimum 170 députés. D’après les sondages, on en est loin : 170, ce serait la Terre promise !
Pour le reste, il sera candidat à la présidence du Sénat : il s’attend à ce que Pasqua lui mène la danse. Peut-être la perspective d’une bagarre au Sénat explique-t-elle les sorties de Pierre-Christian Taittinger, généralement si courtois, contre Pasqua ?
24 septembre
Revue de la presse européenne, en vrac : Felipe Gonzalez affirme en Espagne que la politique économique ne changera pas. Le Danemark revotera. Les députés conservateurs anglais créent au Parlement un club antieuropéen. Le président du Conseil italien dit qu’il faut renégocier le traité de Maastricht. Le chancelier Kohl rentre en Allemagne après une visite en France et propose un préambule additionnel au traité.
Envie de rire, et révolte : rien n’était négociable, nous
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