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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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est content de voir les difficultés de l’autre, sur la crise sociale que minimise ce dernier. La crise, la faute à qui ? Mitterrand fait mine de réfléchir. Un temps, puis il lâche : « Les 35 milliards distribués à certaines catégories empêchent (sous-entendu : Chirac) de trouver les 17 milliards qui manquent aux salariés. »

    8 janvier
    Raymond Barre à la télévision. Son problème était de cultiver sa différence sans jouer contre son camp. Eh bien, il a réussi. Réussi à trouver le passage entre le silence et la parole, la critique acerbe du gouvernement et sa loyauté à la majorité RPR-UDF. La voie était étroite. Il est tellement exaspéré par Jacques Chirac, dont il pense qu’il a volontairement fait perdre Giscard en 1981, qu’il pouvait à tout moment déraper. Pour lui, Chirac, comme d’ailleurs Mitterrand, est le degré zéro de la pensée économique ! Je serais encline à penser que dans son for intérieur, il est encore plus sévère avec Chirac qu’avec Mitterrand : qu’un leader de la gauche, qu’un homme politique né sous la IV e  République soit ignorant des réalités économiques, cela ne le surprend pas outre mesure. Mais que Chirac, énarque, ancien secrétaire d’État au Travail, au Budget, fasse comme si elles n’avaient pas d’importance, cela, Barre ne peut pas l’encaisser ! Pour lui, il n’y a qu’un mot pour définir Chirac : démagogue.
    Tout cela pour dire que Raymond Barre a dû éprouver, hier, quelque difficulté à se contenir. Eh bien, il ne s’est jamais laissé aller à donner de lui une autre image que celle qu’il voulait donner. Celle d’un homme libre : libre à l’égard des partis, libre dans ses idées, dans ses critiques et dans ses approbations.
    « Pourquoi voulez-vous que je sois contre les socialistes ? », demande-t-il benoîtement. Et d’affirmer qu’il approuve absolument la rigueur de 1983. Il cite volontiers les quelques ministres socialistes dignes, selon lui, de figurer à son palmarès : Pierre Bérégovoy, Jean Auroux, Michel Delebarre.
    Le plus difficile était de proférer sur le gouvernement les quelques phrases dures qu’il tenait à placer, et, en même temps, de convaincre les téléspectateurs de sa loyauté envers Chirac. Il s’en est sorti en se déclarant globalement solidaire de la fermeté prônée par celui-ci en matière de salaires. En dehors de ce soutien, que de critiques ! Les sacrifices sociaux doivent être partagés, les négociations, le dialogue sont nécessaires, on peut toujours trouver des solutions aux conflits sociaux actuels, à condition qu’on les cherche, il ne fallait pas attaquer « bille en tête » (l’expression est de lui) l’impôt sur les grandes fortunes, mais entreprendre une réforme fiscale de plus grande envergure...
    Pour faire bonne mesure, Barre a assaisonné aussi Mitterrand dont il dit sans aménité qu’il est tout simplement le chef de l’opposition, et pas le président de la République.
    Bref, Raymond Barre était hostile en mars dernier à la cohabitation : il l’est resté. En traçant de lui, par contraste, un portrait idéal : celui d’un rassembleur.
    Habile, il affecte de ne pas l’être. Plus démagogue, finalement, qu’il ne semble. Moins rond qu’il y paraît : c’est en homme politique qu’il taille sa route tout en affirmant ne pas en être un. Fortiche !

    10 janvier
    Tout change, pour moi, à nouveau. Et pas dans le bon sens...
    J’avais tout, il me semble, pour bien m’entendre avec Elkabbach : l’intérêt pour le même monde, celui de la politique. L’envie de disserter sur les comportements des uns et des autres. L’âge aussi, et notre passé commun de journalistes politiques.
    C’est tout le contraire qui s’est passé. Nommé directeur del’antenne il y a quelques semaines, il m’a d’abord évitée alors qu’il recevait tous les autres membres de la rédaction pour connaître leurs envies et leurs désirs. Puis il m’a dit, avant-hier, alors que je finissais mon édito du matin – lequel avait été déplacé de 8 h 5 à 8 h 20 –, qu’Europe 1 se passerait désormais de ma prestation matinale.
    Évidemment, c’est une catastrophe. Je ne peux pas en écrire davantage ce soir.

    12 janvier
    Si j’avais su ! Qu’aurais-je fait au juste ? Peut-être aurais-je dû accepter la proposition d’un reclassement au Conseil d’État ? Ou alors accepter ce que m’avait proposé, de

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