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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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que les Français finissent tout de même par voter ! »
    Le moment le plus savoureux, c’est lorsqu’il se met à la place de Chirac. Il ne peut s’empêcher de montrer le fond de son cœur à son sujet : « Si j’avais été Chirac, j’aurais dit : “Je m’adresse à tous. Vis-à-vis de ceux qui veulent aller plus loin, travailler davantage, je veux qu’ils aient la liberté de le faire. Aux autres, ceux qui sont attachés à leur statut, je dirai que nous avons lutté pour le garantir, et nous continuerons !” »
    Il ne manque vraiment pas d’air : devant une poignée de journalistes, en pleine campagne électorale, le voici qui se met à la place de Chirac, gestes à l’appui. Envers celui qui est devenu président en 1995, il garde la conviction qu’il a toujours eue : qu’il n’est pas à la hauteur de sa fonction. Conviction qui va de pair avec la certitude que lui, Sarkozy, ferait mieux.
    J’ai encore du mal à me faire une idée précise sur Nicolas Sarkozy.Nous avons des rapports courtois, je le trouve très rapide, très brillant. Il est avocat de métier, pas énarque ou fonctionnaire. Il n’a pas eu besoin de faire des stages chez un orthophoniste. D’où vient alors ma réticence à son endroit ? De sa « trahison » vis-à-vis de Chirac ? Et Chirac, il n’en a pas trahi d’autres ? Au contraire, je reconnais à un homme politique le droit de désobéir à son parti, à son clan, donc à son chef.
    Non, il y a autre chose... Il y a que je le crois prêt à tout pour arriver à ses fins, calculateur, canines rayant le plancher, méprisant les autres à l’exception d’un tout petit nombre de favoris.
    D’accord, mais ces carnets, depuis que je les tiens, sont pleins d’hommes politiques qui méprisent les autres, dont les canines, etc. Pourquoi Sarkozy, lui, me gêne-t-il ?
     
    Jean-Pierre Denis me le dit au téléphone : il est convaincu que la situation économique et financière plaidait en faveur de la dissolution. Répondant à ma question sur Alain Madelin, marginalisé par Juppé pour cause de libéralisme, il convient que Madelin s’est précipité trop tôt dans la campagne, sur ses positions, sans attendre l’argumentaire qui devait être défini en haut lieu. « Je reste persuadé que sa marginalisation dans la campagne serait une grave erreur. D’autant qu’Alain Juppé a amplement préempté ses thèmes.
    « L’ultra-libéralisme, dit-il encore, je ne sais pas très bien ce que c’est. S’il s’agit de desserrer les contraintes pesant sur l’entreprise, oui, je suis d’accord. Mais il ne s’agit de rien d’autre : on est libéral ou on ne l’est pas, on n’est pas ultra-libéral. »
    Il le répète : « La campagne commence très mollement. Se priver de Madelin constitue une grosse erreur. Je suis sûr qu’il y reviendra, dans la campagne. » Phrase qui confirme qu’il en est bien sorti.
    27 avril
    Alain Juppé à « 7 sur 7 ». Il est en service commandé pour dire aux Français – et à une partie de la majorité – qu’il n’est pas candidat à sa succession. Et pourtant, si je le suis bien, il présente le programme de la majorité pour les quarante premiers jours de la nouvelle législature. Difficile de penser qu’il n’est pas partant pour Matignon.
    Il explique la dissolution par la nécessité de franchir une seconde étape, et fixe les rendez-vous à venir : la fixation, pour cinq ans, desdépenses de l’État ; la réduction des déficits ; les initiatives sur le temps de travail, notamment sur le temps choisi, qui ne saurait se confondre avec le temps partiel ; la cohésion sociale : « Si nous gagnons, elle sera immédiatement inscrite à l’ordre du jour » ; l’assurance-maladie universelle ; la maîtrise de l’environnement, enfin.
    Question d’Anne Sinclair sur la ligne Juppé et la ligne Madelin. Juppé dégonfle l’antagonisme : il faut être concret, dit-il, « aujourd’hui l’économie française est asphyxiée par l’impôt et les charges, il faut lui donner de l’oxygène ». Ce qu’il dit là ne désavoue pas Madelin.
    Pendant qu’il parle, je me dis qu’il aura du mal, disant tout cela, à ne pas avoir l’air de défendre son bilan. Or, à partir du moment où il défend la politique qu’il a mise en pratique pendant deux ans, où il mène la campagne de la majorité, comment démontrer que les choses changeront grâce à lui, et peut-être avec lui, à la prochaine

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