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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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ne sent pas du tout l’atmosphère de cette campagne. En matière politique, c’est pourtant un homme qui a du nez.
    Mais voilà que Juppé entre dans un bureau de tabac, puis chez un fleuriste. « On prépare l’avenir à Pont-à-Mousson ? » interroge-t-il sur le pas de la porte des magasins, à la grande surprise des clients et des patrons qui ne l’attendaient pas.
    Au contact de Chirac, et puis aussi parce qu’il s’est fait élire à Bordeaux, Alain Juppé a appris la stratégie du terrain. Il entre dans toutes les boutiques, dit bonjour, présente le candidat de la majorité – « votre futur député », insiste-t-il – aux gens, qui n’en reviennent pas de le voir de leurs yeux, là, en face d’eux. Aucune hostilité dans la rue.
    En marchant, Juppé continue à méditer tout haut sur l’atmosphère de la campagne : « La moitié des gens n’ont pas l’esprit à ça, note-t-il avec lucidité ; la gauche ne mobilise pas vraiment, et nous, moins que ce que nous espérions. Je pensais que cette campagne, parce qu’elle était courte, partirait vite et fort ; c’est le contraire qui s’est produit. »
    Comment parvenir à mobiliser cet électorat mollasson ? « En tout cas, pas à coups de slogans ni d’anathèmes. J’essaie de m’adapter, voilà tout. »
    Il continue la visite, croisant des enfants qui sortent de l’école, une retraitée qui refuse de lui parler, puis il s’en va voir ceux qu’on appelle les « Ebouey », familles qui habitaient de petites maisons bâties au-dessus d’anciens corridors de mines de fer, lesquelles se sont effondrées. Depuis lors, les maisonnettes se sont crevassées, fendues, les propriétaires ne peuvent ni les vendre, bien sûr, ni se faire rembourser par les compagnies d’assurances. Juppé reste auprès d’eux une bonne heure.
    Puis départ en voiture pour Vandœuvre-lès-Nancy. Là, dans le centre commercial, pour la première fois de la journée, les choses se gâtent : « Démissionnez vite fait ! » dit un type qui passe. « Le troisième tour social, monsieur Juppé ! » réclame une voix à ma droite. « Votez Arlette Laguiller ! » clame une fille qui sort un calicot au nom de la candidate d’extrême gauche. « Juppé et Longuet, dehors ! » crie un autre, qui, pour la première fois de la visite, englobe Gérard Longuet 25 dans cette admonestation.
    Pendant le voyage, un des premiers sondages Harris est communiqué aux journalistes : 45 % des électeurs souhaitent la gauche, 43 % la droite. Mais, en sens inverse, 63 % des Français jugent que la majorité sera chiraquienne, 20 % seulement que la gauche l’emportera. Cela ne veut pas dire grand-chose : l’écart entre la gauche et la majorité est dans la marge d’erreurs. Le meeting au palais des congrès de Vandœuvre a lieu à 19 h 15. Je ne connais pas le premier orateur, le maire de la ville, je pense. Puis Gérard Longuet donne un ton beaucoup plus agressif à la réunion. Citations : « Les trois – PS, PC, Verts – sont ce que les Pieds nickelés sont à la bande dessinée » ; « Nous n’avons pas besoin en Lorraine d’une coalition hétéroclite et irresponsable... ».
    Après lui, le maire de Thionville, ville touchée depuis longtemps par la fermeture des mines, s’en prend à son prédécesseur socialiste dont « on voudrait nous faire croire qu’avec lui il y a un avenir ».
    Dernière phrase de Rossinot, orateur numéro 4, sur le PS et le Front national : « Face à Le Pen, les socialistes n’ont pas changé : pompiers côté pile, pyromanes côté face. »
    Puis Juppé monte à la tribune. Son discours, assez long, est structuré. Sa démonstration est plus fouillée que celle qu’il avait résumée pour moi dans l’avion. Je la résume à mon tour en quelques citations cependant qu’il parle : « La première chose dont la France ait besoin, c’est de sérénité et de sécurité. La France est comme un grand navire, elle ne se conduit pas avec des changements brutaux... Nous avons eu tort de ne pas expliquer aux Français dans quel état, en 1993, nous avons trouvé le pays... Nous avons stabilisé le chômage alors que chaque législature socialiste s’est soldée par deux fois 700 000 chômeurs supplémentaires... Nous avons sauvé l’assurance-maladie... Nous avons un ministre de l’Intérieur qui se consacre à améliorer la sécurité : le moment est venu de donner la parole au

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