Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
commentateurs presque écrasés, interlocuteurs politiques pâlots, couleurs transformées par la puissance de projecteurs pourtant insuffisants tant la couleur bleu métallisé du décor absorbe la lumière. Les hommes politiques se suivent sur le plateau, camp contre camp, les chiraquiens ayant parfois du mal à masquer leur déception. Jacques Toubon, seul, arrive avec le sourire, celui qu’il garde en toute circonstance, surtout, comme Chirac, lorsqu’il se sent menacé.
    Mais peu importe l’image : l’essentiel est dans le fait que Mitterrand est en passe d’être réélu les doigts dans le nez. Curieusement, le fait que Raymond Barre ait réalisé ce petit score ne surprend personne : là, on mesure le rôle des sondages. Cela fait plusieurs semaines qu’on voyait ses voix décroître d’un sondage l’autre. Nous n’avons donc pas été surpris.
    En revanche, pour Jacques Chirac, quelle dégringolade ! Qu’est-ce qui lui vaut ce score insuffisant ? Sa campagne a été réussie de bout en bout, comme toujours. Il n’a pas cessé de serrer des mains, de foncer dans la foule, d’embrasser les petits enfants. Tout cela pour rien. Électroencéphalogramme plat !
    Paie-t-il le fait d’avoir été Premier ministre ? Le terrorisme de l’année 1986 ? Les étudiants dans la rue ? Les privatisations, celle de TF1 en tête ?
    Je ne peux m’empêcher de penser qu’aujourd’hui, en ce moment même (j’écris après cette soirée électorale, vers 2 heures du matin, avant d’aller dormir), il doit se ronger les sangs. À moins qu’il ne se soit déjà assoupi, pensant que demain est un autre jour...

    25 avril
    La soirée électorale n’a pas été un franc succès pour TF1. Antenne 2 nous a battus. J’en ai été tenue, je le sais, responsable alors que toute la hiérarchie avait approuvé avant-hier le décor vilipendé au lendemain du scrutin par la même hiérarchie. Normal – duraille, néanmoins !
    Je note trois choses dont je me souviendrai.
    La première est que depuis des années, Antenne 2 domine sur le terrain politique. Il fallait inverser la vapeur. Peut-être devrait-on prendre le temps de le faire, surtout à l’issue d’une période de plus d’un an où la privatisation de TF1 a été presque unanimement condamnée.
    La deuxième, c’est que la télévision est un métier multiple. Ce n’est pas parce que je suis dans la presse depuis des années que je sais choisir un décor, ni même coordonner un bastringue de ce genre.
    La troisième est que ce matin, tout le monde était mécontent : le service politique, qui estimait ne pas avoir été assez longtemps à l’antenne, ou plus exactement à l’image ; les présentateurs, qui trouvent que les journalistes n’ont pas été assez dynamiques ; Étienne Mougeotte, qui hier dans la nuit me disait encore que la soirée s’était très bien déroulée, juge, après avoir lu l’audimat, qu’elle a été ratée.
    Sans doute vrai, puisque les chiffres sont là ! Je trouve néanmoins l’expérience cuisante. Tant pis, je m’en remettrai ! On fera mieux la prochaine fois...
    De toute façon, un coup chasse l’autre et l’ébullition dans les arrière-cours (je devrais dire les basses-cours !) des télévisions a repris tôt, ce lundi matin : y aura-t-il ou non débat à la télévision entre Chirac et Mitterrand ? Quelle forme revêtira-t-il ? Qui l’animera ?
    Élie Vannier 18 et moi consultons sans cesse ; l’un et l’autre candidat écartent systématiquement nos propositions : Mitterrand ne veut pas de Poivre d’Arvor, Chirac veut encore moins de Duhamel, tandis qu’à l’intérieur des rédactions, les journalistes sont près d’en venir aux mains. (J’exagère, et pourtant il y a de ça !) Si ce n’est pas Poivre, qui d’autre ?
    La situation est à peu près la même à Antenne 2. Paul Amar ? Je ne sais pourquoi, cela ne va pas. Bernard Rapp ? Pas assez politique, ou quelque chose comme ça. Les noms s’échangent, de l’Élysée à Matignon en passant par nos bureaux. Nous nous consultons directement, Élie et moi, en baissant le ton au téléphone, comme des conspirateurs, de peur que nos charmants présentateurs ne surprennent nos conversations.

    26 avril dans la nuit
    Finalement, Mitterrand et Chirac, peut-être à force d’entendre leurs négociateurs personnels parler de nous, tombent d’accord : les deux directeurs de l’information animeront le débat présidentiel.

Weitere Kostenlose Bücher