Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
hypocrites et des malins ; que certains d’entre eux, voire la plupart croient à ce qu’ils font.
Seulement voilà : une seule affaire suffit à faire crier par la France entière : « Tous pourris ».
7 mars
Roger-Patrice Pelat est mort. Mort ? Oui, dans une chambre de l’Hôpital américain où il se remettait d’un début d’accident cardiaque. Rien ne laissait présager ce décès qui survient en pleine fin d’après-midi comme pour montrer qu’on ne dit pas tout impunément sur un homme. Je ne l’excuse pas : il semblerait bien qu’il ait profité de l’amitié que Mitterrand avait pour lui pour acheter des actions par paquets et accroître indûment sa fortune. Il est probable néanmoins que les attaques dont il a été l’objet dans la presse, et le passage à l’antenne de François Mitterrand pour prendre ses distances vis-à-vis de lui, ont précipité sa mort.
9 mars
Gérard Carreyrou est, me dit-il, très en froid avec Pierre Bérégovoy. Pourquoi ? Parce qu’au début de l’édito qu’il a consacré avant-hier au JT de 20 heures à la mort de Roger-Patrice Pelat, Gérard a déclaré : « C’est le premier mort de l’affaire Pelat », ou quelque chose d’approchant. Béré l’a appelé dans le quart d’heure en lui reprochant vertement cette phrase de nature à laisser croire qu’il y aurait d’autres cadavres après celui de Pelat, que celui-ci ne serait que le premier d’une longue liste. Il faut dire que les politiques se donnent le mot, dans cette affaire, pour répandre l’idée que la presse va trop loin,qu’elle désigne des coupables et accuse sans preuves. Carreyrou est le premier surpris du couplet que lui sert Bérégovoy. « Ce n’est pas tant moi qui pense cela, lui explique Béré, c’est ma femme qui, pour la première fois, trouve que tu vas trop loin. »
Sommes-nous allés trop loin ? Je ne le crois pas. Si vraiment Pelat a spéculé sur l’amitié de Mitterrand, et même s’il est regrettable qu’il soit mort, je n’en pense pas moins que la presse a fait son travail. Christine Clerc écrit dans Le Figaro : « J’ai eu honte de ma profession. » Suis-je plus corporatiste qu’elle ? A-t-elle davantage le sens de la déontologie que moi ?
19 mars
Je n’ai rien écrit la semaine dernière sur le premier tour des élections municipales – huitième passage dans l’isoloir en un an ! Aujourd’hui, le second tour confirme le premier. C’est un succès socialiste 10 . La malédiction est levée : ces élections intermédiaires n’ont pas été, comme en 1982, des élections-sanction. Les grandes villes tombent les unes après les autres : Strasbourg pour Catherine Trautmann, Dunkerque pour Michel Delebarre, d’autres encore. Le Parti socialiste fait un tabac dans les villes de plus de 20 000 habitants. Deux conclusions rapides : 1) Rocard est un bon Premier ministre ; 2) Les « affaires » (grâce à lui ?) n’ont pas détourné de leur vote les électeurs socialistes.
Paris a résisté. Chirac aurait perdu la capitale que son sort, il me semble, aurait été réglé au sein du RPR : on lui aurait fait la peau !
29 mars
Nouvelle inauguration d’un des « grands travaux » de François Mitterrand : celui de l’entrée du Louvre par la pyramide de Pei. Je ne dirai pas que Mitterrand inaugure les chrysanthèmes : je pense simplement qu’au début de ce second septennat, je ne le sens pas aussi fort, batailleur, énergique qu’il était au cours du premier. Dans l’action, Michel Rocard tient le premier rôle.
Mitterrand livre ses impressions, un peu comme il faisait quand Chirac était à Matignon, mais il n’a pas l’air de se battre pour imposer quoi que ce soit. Son échec pour imposer Fabius à la tête du PS a sans doute beaucoup plus compté pour lui que nous l’avions pensé à l’époque : quelques semaines à peine après sa réélection, son pouvoir n’était déjà plus le même. Un an après, la chose est manifeste : sa présence, son charisme sont amoindris. Il veut rester dans l’Histoire, cela a toujours été son obsession. Peut-être se dit-il aujourd’hui qu’il y restera par le Nouveau Louvre ou par la future nouvelle Grande Bibliothèque qu’il a en tête, plus ou au moins autant que par son œuvre politique.
3 avril
Sa victoire à Paris n’aura pas épargné Jacques Chirac. C’est même, je crois, la première fois, de mémoire de RPR, qu’il aura été
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