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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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attaqué au cours de journées parlementaires, comme à Nice vendredi dernier. « Attaqué » est ici un mot faible : il a trouvé contre lui à la fois Charles Pasqua et les jeunes du mouvement groupés derrière Philippe Séguin et décidés à se débarrasser de lui.
    Ne pouvant assister à la totalité des séances, je rencontre Pasqua avant qu’il ne monte à la tribune. Il n’a rien d’autre à dire sur Chirac : il ne croit plus en lui. Et Dieu sait qu’il en a fait, des choses, pour lui ! Pourquoi s’est-il à ce point détaché de lui ?
    Nous nous connaissons peu, il sait que je connais bien Chirac ; c’est donc sciemment qu’il me confie sa tristesse, et, pis que tout, sa déception vis-à-vis de Chirac dont il condamne de bout en bout la façon de mener la campagne des municipales. Mauvaise, cette campagne ? Comment cela, alors que tous les militants du RPR étaient là, enthousiastes, sur son passage ? Et que lui-même était le plus souvent présent dans ces meetings ? Pour lui, Pasqua, pour qui la sociologie électorale n’a aucun secret, Chirac s’est trompé de campagne, tout simplement. Il ne me le dit pas expressément, mais je le comprends à demi-mot. C’est d’ailleurs ce qu’il ne cesse de confier à Catherine Nay : selon lui, Chirac a voulu faire campagne « au centre ». Ce faisant, il a libéré sur la droite un boulevard pour Le Pen. Je lui fais remarquer que Chirac avait mené en 1981 une campagne jugée alors trop à droite, ce que certains de ses amis lui avaient alors reproché : il avait, selon eux, laissé tout le terrain du centre à Giscard,se trouvant, lui, isolé à droite. Eh bien, semble penser Pasqua, il fallait continuer ! Ce qui est inouï, c’est que Chirac a obtenu dans les deux cas, à epsilon près, le même nombre de suffrages !
    Le plus fort est la fronde des jeunes. Séguin, Michel Noir, Alain Carignon, François Fillon ont à peu près tous le même âge, un âge où les hommes encore jeunes commencent à s’irriter de la présence au pouvoir des quinquas et sexagénaires. Il faut dire qu’ils ont quelques excuses : depuis leur arrivée dans la vie publique, ils voient leurs aînés, Chirac, Barre, Giscard, s’entre-déchirer au point d’avoir permis la réélection de Mitterrand en 1988. Ce nouvel échec de Jacques Chirac leur permet de penser, un an plus tard, que la vie est à eux. À condition de faire tomber les barrières entre l’UDF et le RPR, et de constituer un parti unique de la droite. Oui aux courants et sous-courants, non à la « machine à perdre » !
    Philippe Séguin, pour ne parler que de lui, avait déjà, au début de l’année, exprimé tout haut – un peu trop fort au gré de Chirac, je suppose – une opinion nettement marquée, et dissidente, sur la présidence du RPR : il avait dit, je me rappelle, que Charles Pasqua serait mieux à ce poste que le maire de Paris.
    Tuer le père : tout un programme ! Aucun d’entre eux n’est très connu. J’ai entendu parler de François Fillon, comme tout le monde : il était le collaborateur le plus proche de Joël Le Theule, et il a pris sa place comme député de la Sarthe où il a été élu sans coup férir, à 27 ans, puis à la mairie du Mans 11 . Mince, l’allure encore adolescente, la mèche sur l’œil, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Il est, plutôt il se veut, gaulliste de gauche, comme Le Theule. Il est tout l’opposé de Pasqua, sans aimer pour autant Chirac à qui il reproche visiblement, sans le dire, sa préférence pour l’action plutôt que pour la réflexion.
    Philippe Séguin, dont tout le monde se plaît à décrire le mauvais caractère, me semble plus lourd ou moins fluet que Fillon. Il a été, de l’avis de tous, un bon ministre des Affaires sociales : il n’a pas seulement un poids physique, mais un poids politique important. Cela étant, il ne me paraît pas en tête du mouvement de contestation, qu’il se contente de suivre, par prudence ou hésitation. Non sans montrer de temps en temps quelque irritation vis-à-vis de Michel Noir.
    Car c’est celui-ci, au physique avantageux, comme on dit, et à la stature imposante, qui mène le jeu. À ces journées parlementaires, il y va avec un évident plaisir de son discours iconoclaste. Je n’ai pas souvenir d’une telle charge menée contre Chirac dans son propre camp depuis une bonne dizaine d’années. Noir lutte contre Chirac comme ces jeunes cerfs qui

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