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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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porté !
    Alte fit un signe de la main : – Ne soyez pas sanguinaires, laissez ce cochon et asseyez-vous, qu’on puisse enfin jouer. Veux-tu en être ? de-manda-t-il au vieux prisonnier.
    – Non, monsieur le feldwebel.
    – Malheureux ! Tu ne peux pas m’appeler camarade, alors que tu l’as dit à ce grand bandit de Petit-Frère ?
    Le vieux hocha la tête et ouvrit la bouche, mais il fallut un certain temps pour qu’on l’entendît.
    – Je vais essayer, mais ce sera difficile.
    Nous jouâmes en silence jusqu’au moment où Brandt jeta les cartes.
    – Je n’ai plus envie, c’est assommant.
    – Tu es un gros imbécile, dit Porta furieux, je vais écrabouiller ta vilaine figure.
    Plongeant à la vitesse de l’éclair, Brandt évita une bouteille lancée à toute volée, qui s’écrasa contre le mur.
    – C’est bien dommage de tout salir comme ça, murmura encore le vieux prisonnier. Les gens qui ont fui la maison ont deux enfants qui doivent en hériter.
    – Comment le sais-tu ?
    – Il y a des vêtements d’enfants dans l’armoire.
    – Et d’abord, as-tu seulement une maison ?
    – J’en avais une, mais on me l’a prise il y a longtemps.
    – Qui ? L’huissier ? demanda naïvement Kraus, le S. S. qu’on avait muté chez nous pour cause de lâcheté au front.
    Nous étouffâmes de rire, mais le vieux juif hocha la tête. – L’huissier, on peut l’appeler ainsi.
    – Tu avais dû la chauffer, ta maison, à quelqu’un d’autre à l’époque de Weimar ? rigola Kraus.
    – Pas à ma connaissance, dit sèchement le prisonnier.
    – Comment as-tu été pincé, zébré ? demanda Porta.
    Le vieux juif enfourna goulûment un autre morceau de viande, puis il appuya sa tête sur sa main et se mit à parler. Il parlait comme s’il avait été seul, comme seuls peuvent parler des gens qui ont été enfermés au secret pendant très longtemps. Ils ne parlent pas, ils toussent, projettent des mots, ils rêvent tout haut.
    – C’est en 38 qu’ils nous ont pris. Je me suis échappé parce que j’avais des relations.
    – Vous autres de la Terre sainte, vous avez toujours des relations, ricana Heide. – Sa haine était telle qu’il n’hésitait pas à risquer sa vie en la manifestant. Il montrait les dents comme un chien en colère. – Tu devrais être pendu, saleté !
    Le vieux juif continuait sans se laisser déranger.
    – Je vivais à Hambourg dans la « Hoch Allee », près de Rotherbaum, un endroit charmant. – Il soupira en songeant à Hambourg, quand la ville sent le sel de la mer et la fumée des navires, et que le rire fuse des petites barques sur l’Alster. – J’étais chirurgien-dentiste, avec beaucoup de clients et d’amis. J’ai réussi à faire timbrer mon passeport par le Parti, et j’ai eu l’idée de traverser la Russie pour gagner la Chine. – Il secoua la tête. – Mauvaise idée ! Là-bas on nous poursuit aussi, nous autres juifs.
    Alte rit d’un air las : – Oui, on vous pourchasse chez les Soviets, on vous pourchassait en Pologne, dans presque le monde entier vous êtes pourchassés. Pourquoi ? Dieu seul le sait ! – Il se tourna vers Heide. – Julius, tu dois savoir pourquoi, puisque tu détestes tant les juifs ?
    – Ce sont des porcs et des bandits ! jappa Heide. Le Talmud en fait foi.
    Julius Heide détestait les juifs parce que le garçon le plus intelligent de sa classe était un juif du nom de Mouritz. Le petit Mouritz aidait le grand Julius ; il lui soufflait et lui passait des papiers clandestins. Au cours des ans, Julius ressentit chaque mot chuchoté, chaque petit papier, comme une défaite cuisante et sa haine grandit en cachette. En dehors de cela, Julius Heide ne comprenait rien de plus à cette haine de race que nous autres. Il avait seulement appris de longues tirades nazies par cœur.
    Nous nous remîmes à jouer en silence, mais le cœur n’y était pas. Porta sortit sa flûte, se moucha, cracha dans ses doigts et se mit à jouer « La petite Musique de nuit ». Nous étions sous le charme. C’était la beauté du printemps, le chant de milliers d’oiseaux qui pénétraient dans la hutte sombre et la transformaient en un palais de cristal où des seigneurs vêtus de soie dansaient une danse qui ressemblait à un menuet. Nous entendions tout un orchestre que dirigeait le maître de chapelle de la Cour.
    Le vieux juif se mit à chantonner. Sa voix était grave et rauque. Il rêvait, se souvenait…

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