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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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Alte.
    – Nos hôtes sont des gens à la page.
    Le livre s’intitulait « Karl Marx. »
    – Tout à fait ce qu’il faut pour la Gestapo, grogna Heide.
    – La ferme, lèche-cul, gronda Porta, ou je te tranche le gramophone et tu auras grincé pour la dernière fois. Nous n’avons pas oublié le jour où tu étais mouchard.
    Heide jetait des regards mauvais sur le grand Porta en chapeau haut de forme, mais la mitraillette dont jouait négligemment le rouquin le tenait en respect.
    – C’est dommage pour la jolie table, dit le vieux prisonnier en voyant le légionnaire tailler son lard à même le bois.
    – Tu nous emmerdes, dit Brandt, qui fit de même avec son pain.
    – Il faut prendre soin des choses, insista le vieux, têtu.
    – La ferme, juif merdeux ! hurla Heide en crachouillant. – Il se pencha sur la table et mit son visage tout contre celui du vieux prisonnier. Ses yeux d’alcoolique rougeoyaient, méchants. Il rota. – Hé ! zébré ! Moi, Julius Heide, sous-officier du 27 e régiment de blindés, je dis que tu es un juif puant. – Il regarda triomphant à la ronde. – Qu’en dis-tu, saleté ?
    Le vieux, assis sur son tabouret, regarda le soldat d’un air hébété. Il ne semblait pas se rendre compte que c’était lui qu’on insultait ; les mots orduriers glissaient, on lui en avait trop dit, ils ne pénétraient plus jusqu’à lui, il était immunisé.
    Heide tournait la tête comme un taureau qui va encorner le torero.
    – C’est à toi, cadavre, que je m’adresse – Il sifflait à travers le coin de sa bouche. – Tu es une saleté de juif, un morceau de merde juive. – Il rejeta la tête en arrière et rit de ses propres injures qu’il répéta plusieurs fois en une litanie ordurière où revenait toujours le mot « juif ».
    Il s’échauffait, pétait, bavait, criait. Nous nous taisions. Alte mangeait, indifférent, comme s’il n’entendait pas le torrent de mots ignobles. Porta souriait, plein d’attention, Petit-Frère se tirait l’oreille, le légionnaire sifflotait « Viens, douce mort, viens… » Alte distribua les cartes, lentement, minutieusement. Tout à coup apparut un gros revolver dans la main de Heide. Il en repoussa le cran de sûreté avec un claquement qui nous sembla le bruit d’une bombe.
    – Juif ! je vais te faire sauter ta sale cervelle !
    Il riait, bestial, et leva lentement le revolver, visant la tête du vieil homme. Il y eut un silence menaçant. Le vieillard se redressa et fixa Heide d’un étrange regard.
    – Vous voulez tirer sur moi, monsieur le sous-officier, il n’y a rien à y faire. Que vous me tuiez moi ou un chien, c’est la même chose. Il n’y a qu’une différence, le chien a peur de la mort, moi pas. Je l’ai attendue tous les jours pendant des années. Tirez si vous en avez envie, mais sortons. Ici nous salirions tout ; il n’y a rien qui salisse comme la cervelle, monsieur le sous-officier, quand elle s’échappe en coulant.
    – Je t’emmerde ! hurla Heide qui courbait déjà son doigt sur la détente.
    Alte ne disait toujours rien. Il retourna posément une carte pour terminer sa patience, c ’ était la dame de pique.
    – Pose cette arme, ordonna-t-il brusquement.
    Heide eut l’air assommé. – Je hais ces juifs !
    J’ai toujours eu envie d’en tuer un !
    –  Pose cette arme, et tout de suite.
    Petit-Frère se dressa et fit jouer le ressort de son couteau de tranchée. Alte leva la tête : – Julius Heide, pose ton revolver.
    Le légionnaire chantonnait « Viens, douce mort, viens… » Avec une lenteur infinie Heide abaissa sa main, le revolver tomba en cliquant ; une peur panique se lisait sur son hideux visage ; le légionnaire lui fit un croc-en-jambe et il s’étala sur le plancher. Petit-Frère leva son couteau avec l’intention bien ferme de le lui planter dans le dos, mais il fut arrêté par le vieillard qui lui saisit le bras.
    – Non, non, ne le tue pas, camarade.
    Nous restâmes sidérés. Petit-Frère rejeta Heide et regarda le vieux juif blême et tremblant qui s’était accroché à son bras.
    – Pourquoi m’empêches-tu de refroidir cette bête puante ? Il t’a bien insulté !
    Le vieux prisonnier secoua la tête : – Non, camarade, il ne m’a pas insulté, je suis juif, il est malade. Cela passera quand le monde sera guéri.
    – Malade ? cria Porta. L’expression est un peu faible, c’est le plus grand salaud que la terre ait

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