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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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photographies de femmes assassinées. La plus jeune avait seize ans, la plus âgée trente-deux ; toutes étouffées par un bas, toutes portant des croix sanglantes au front, et dans tous les cas, le meurtrier avait emporté les culottes.
    – L’homme est un soldat, dit tout à coup Paul Bielert en se levant.
    Ses trois collègues le regardèrent stupéfaits. Un S. S. l’aida à passer son manteau ; il mit ses gants blancs avec soin et, tirant sur son long fume-cigarette, il quitta la Préfecture.
    Pendant des heures on put le voir se promener dans les rues pestilentielles, un mouchoir parfumé sur la bouche, toisé avec mépris par les uns ou salué obséquieusement par les autres. On le vit chez Tante Dora ; il bavarda avec les filles, engueula le souteneur Ewald, puis il flâna le long de Neuer Wall et entra dans divers endroits.
    Vers le soir, il aboutit à un restaurant luxueux près de Baum wall, à quelques étages sous terre. En surface on ne voyait guère qu’une vieille cave à détritus, mais lorsqu’un raide escalier de fer vous avait permis de descendre bien au-dessous du niveau de la rue, un monde nouveau s’ouvrait devant vous. Des loges climatisées montraient des tables au linge éblouissant, couvertes de porcelaine et d’argenterie. Des lampes de couleur, de vastes fauteuils et d’épais tapis rendaient l’atmosphère intime. Une armée de serveurs en veste blanche à revers rouges s’empressaient auprès de la clientèle élégante et joyeuse.
    Ni carte des vins ni menus dans ces restaurants de luxe souterrains. On commandait tout ce qu’on voulait et le prix était fonction de la commande. Une dame très légèrement vêtue prit le manteau du « Beau Paul » qui se jeta nonchalamment dans un fauteuil, sans octroyer un regard au maître d’hôtel courbé en deux. Perdrix aux champignons, pommes frites, bouteille d’Oppenheimer… puis le « Beau Paul » se pencha en arrière et se mit à étudier les nombreux convives. Elégants officiers en uniformes gris ou verts, officiers de marine en bleu foncé à multiples dorures, aviateurs en gris-bleu avec chemises d’une blancheur éclatante, S. S. noirs aux cols brodés d’argent, fonctionnaires du Parti tellement dorés sur tranche qu’un maréchal du temps de François-Joseph en aurait été jaloux, tout ce monde riait, insouciant, avec des dames vêtues de fourrures et de soie.
    Un amiral paradait entre deux dames très gaies ; à son cou pendaient la croix de Chevalier avec épées et feuilles de chêne, et celle « pour le Mérite » de la Première Guerre mondiale. Paul Bielert renifla de mépris en voyant l’amiral lui jeter un regard condescendant, mais l’amiral aurait été glacé s’il avait pu lire les pensées du S. S. Standartenführer Paul Bielert.
    Le « Beau Paul » détestait autant les officiers supérieurs que les Junkers, et il le montra bien après l’attentat du 20 juillet lorsque, en tant que S. S. Gruppenführer, il fut mis sous les ordres directs du chef de. la Gestapo, Kaltenbrunner.
    En attendant, il mangeait son perdreau en silence et mordait la carcasse comme un fauve sans s’occuper des regards dédaigneux de ses voisins. Les os s’écrasaient entre ses dents puissantes, de temps en temps il en crachait un puis se curait les dents avec sa fourchette. Il lui échappa un petit rot.
    Un monsieur en civil, suivi d’une dame, le salua poliment, trop poliment en passant devant lui. Bielert rendit le salut sans retirer de sa bouche une cuisse du perdreau qu’il tenait à deux mains.
    – Agent de la Gestapo, haut placé. Dieu sait ce qu’il fait ici ! souffla le monsieur à sa compagne.
    Un fonctionnaire du Parti, en uniforme caca d’oie, entra flanqué de trois femmes. Il réclama du cognac et, en passant, donna une grande claque sur les fesses d’une dame dont le cavalier fit mine de se fâcher, mais en reconnaissant le coupable il devint subitement tout sourire. L’homme du Parti lança une autre claque sur le derrière de la danseuse d’un major de la Luftwaffe. Celui-ci protesta et émit quelques faibles menaces. Le nazi se mit. à rire et regarda la croix de guerre du major qui luisait solitaire sur le drap bleu-gris.
    – Tu languis dans l’attente de la mort des héros ?
    Le sang monta à la tête de l’officier mais sa cavalière sourit à l’homme du Parti. L’aviateur, violet, se redressa et dit faiblement :
    – Tu auras de mes nouvelles.
    – Tu auras des miennes

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