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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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aussi, fit l’homme en emmenant ses dames au bar où il se percha avantageusement sur un haut tabouret.
    « Beau Paul » s’essuya la bouche avec sa serviette et réclama du moka. Au loin, on entendit le hululement des sirènes qui annonçaient l’alerte.
    Les  lourdes portes d’acier munies de soufflets contre les gaz furent verrouillées, reléguant au-dehors le monde en flammes. On ne percevait la chute des bombes que par un vague frémissement.
    Les maîtres d’hôtel servaient comme d’habitude, sans hâte, sans crainte ; pas la moindre compassion ne se manifestait pour ceux qui, avec des hurlements de terreur, dansaient là-haut sur l’asphalte en flammes, ou pour les enfants qui fondaient dans la lumière aveuglante du phosphore. Un orchestre jouait une languissante musique pour la fleur de Hambourg et du Parti, les colliers étincelaient sur les gorges nues des femmes ; des pierres d’une richesse inestimable éclaboussaient d’éclairs les mains raffinées des danseuses.
    Dehors, dans les rues avoisinantes, les silhouettes fantomatiques des nuits d’alerte étaient à l’affût… Une bombe sur l’élégante boîte de nuit, quelle aubaine pour les détrousseurs de cadavres ! Certaines de ces silhouettes portaient la croix gammée à la boutonnière.
    Une femme, belle, en robe bleu ciel et hauts souliers décolletés, glissa entre les tables et s’arrêta près de Paul Bielert.
    – Bonjour, Paul, toi ici ?
    Les yeux mi-clos, il fit un signe de bienvenue et lui montra une chaise en face de lui.
    – Assieds-toi, Elsebeth, et bavardons.
    Elsebeth s’assit et releva un peu sa jupe, ce qui découvrit une paire de longues jambes gantées de bas arachnéens.
    – De choses personnelles ou du service ?
    « Beau Paul » fit la moue. L’œil vivant luisait, menaçant.
    – C’est la guerre, Elsebeth, on est toujours dé service.
    Elle eut un rire sarcastique.
    – Je m’en suis rendu compte, Paul. Même après avoir perdu un mari et trois frères. – Elle alluma une cigarette. – Et un fils, ajouta-t-elle après réflexion. – Mon fils unique. Comprends-tu ce que ça signifie, Paul ?
    – Ça ne signifie rien, Elsebeth, absolument rien. La seule chose qui compte est la victoire de l’Allemagne. Mourir pour le Führer doit être le dépit de tout Allemand, homme ou femme, c’est une belle mort, Elsebeth, on peut la jalouser. Tout le monde ne peut pas montrer cinq héros tombés.
    Elle regarda longuement son œil mort : – Tu as dit héros ?
    – Oui, des héros tombés au champ d’honneur pour le Führer. – Il se redressa en disant « Führer ».
    Elsebeth eut un rire forcé : – Mon petit garçon avait sept ans ; une poutre lui a écrasé le dos. Mon petit Fritz… Tu aurais dû l’entendre pleurer…
    – Pas de victoire sans larmes, Elsebeth, c’est la loi de la vie. Il nous faut souffrir pour vaincre. Le Führer lui aussi a des moments durs.
    Un serveur apporta le moka et se pencha confidentiellement vers Bielert.
    – Ça tombe depuis vingt minutes au-dessus de Barmbeck et de Roter Baum. On dit que c’est terrible cette fois-ci !
    Paul Bielert leva le sourcil qui ombrageait l’œil mort.
    – Pourquoi me racontez-vous ça, garçon ? Vous y êtes allé voir ?
    Le garçon tressaillit : – Non, Monsieur, mais tout le monde en parle.
    – Le colportage des on-dit est puni par la justice, dit Bielert d’un ton rogue. Le savez-vous ? De toute façon pourquoi n’êtes-vous pas mobilisé ? Vous me paraissez fort capable de porter une mitraillette ?
    Le garçon changea de couleur et passa un doigt entre son col et son cou. Il put enfin balbutier : – J’ai été réformé pour maladie de cœur.
    – Maladie de cœur ? dit la voix méprisante. Qu’est-ce qu’une maladie de cœur aujourd’hui ? Ça n’a plus aucun sens. On tire avec la main, on vise avec l’œil, on est transporté jusqu’aux lignes. Même pas à marcher. Savez-vous ce que vous êtes ? Un défaitiste, mon ami.
    Le garçon jeta un regard désespéré vers l’homme du Parti qui buvait accoudé au bar, une main sous les jupes d’une dame. Leurs yeux se rencontrèrent.
    Le nazi se leva, tira sur sa veste d’uniforme et s’avança grand et fort vers la table de Bielert où le garçon suait à grosses gouttes.
    – Que se passe-t-il ? demanda l’homme avec une tape sur l’épaule du serveur et un regard condescendant vers Bielert qui croisa ses jambes avec précaution afin

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