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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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d’elle. L’emblème du Parti, tout doré ; s’étalait sur sa poitrine au-dessus de sa broche d’argent ; elle parlait d’une voix gutturale et enrouée.
    – Vous quatre, propres à rien, tâchez de vous remuer un peu ! Trouvez une pelle et déblayez la station 3.
    – Une seule pelle ? s’enquit Petit-Frère.
    – Impertinent ! aboya la femme maigre.
    Le légionnaire se leva d’un air indifférent et dit en français : – Allons-y, les gars !
    – Ici on parle allemand, cria-t-elle.
    – On t’emmerde !
    La femme grinça des dents et disparut dans l’escalier. Une petite infirmière, témoin de la scène, nous chuchota : – Gare à Mathilde ! Elle a un frère dans la Gestapo…
    Le légionnaire se tourna vers Petit-Frère : – Rappelle-moi d’ajouter la Mathilde à la liste de Porta.
    – Pourquoi ? dit la petite infirmière étonnée.
    Le légionnaire lui prit le menton : – Pour le
    jour des comptes, ma mignonne. On fait la liste au fur et à mesure.
    – Seigneur ! cria la petite dinde, seriez-vous dès communistes ?
    Le grand routier Willy Bauer éclata de rire et la jeune fille secoua la tête en nous voyant partir.
    – Fais attention à ce : que tu dis, Grethe, chuchota-t-elle à une de ses camarades. Les communistes notent les noms ; il est temps que nous filions.
    L’infirmière Grethe se mit à rire : – Pas mon genre, ma fille ! Depuis cinq ans, mon père est dans un camp de concentration. Il était national-socialiste mais ne savait pas tenir sa langue. Alors, tu vois, c’est une assurance pour l’avenir.
    La petite infirmière se gratta la cuisse : – Si seulement je pouvais en dire autant. Malheureusement mon père est major dans une division S. A. de la Feldherrenhalle et deux de mes frères sont dans la division S. S. « das Reich ».
    Elles continuèrent en silence à nettoyer canules et seringues, puis la petite dit pensivement : – Peut-être dois-je faire un rapport au chef ? C’est le règlement quand on entend des propos subversifs.
    Grethe la regarda longuement : – Margaret, ne le fais pas ! Ce sera dangereux pour toi le jour où Adolf sautera. Ce genre de règlement est fait pour s’asseoir dessus, rappelle-toi mon conseil : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire.
    Elle tourna les talons et cria encore : – Souviens-toi de ça si tu veux surnager. Mange, dors, fais l’amour, mais tais-toi, c’est l’essentiel.
    L’infirmière Grethe est encore aujourd’hui dans. les hôpitaux. Pendant quatre ans elle a soigné des soldats, fermé les yeux des morts, abruti les hommes de morphine lorsque la folie les guettait, couché avec eux quand ses nerfs étaient à bout. Pendant deux ans elle soigna les soldats anglais, les piquant, les engueulant comme elle avait fait pour les soldats allemands. Puis les civils succédèrent aux soldats-, avec de drôle de maladies inconnues jusqu’alors. L’infirmière Grethe de la Croix-Rouge refusa de monter en grade et continua de faire ses piqûres. De temps à autre elle rencontrait un ancien malade allemand, norvégien, danois, anglais, un nègre du Congo, un arabe d’Alger, un légionnaire tremblant de fièvre rentrant d’Indochine. Elle riait en les retrouvant, buvait avec eux, parfois couchait avec l’un ou l’autre.
    – Ce n’est jamais qu’un être humain, disait-elle, et nous avons déjà tant vécu !
    Grethe était une grande infirmière, que certains méprisaient au nom de la morale, mais que d’autres – bien plus nombreux – saluaient avec respect. Lecteur, si tu passes un jour par Hambourg, va à Landungsbrücken près de Reepersbahn. A gauche de Hafenkrankheit, dans une maison un peu en retrait qui est une clinique spécialisée, va trouver l’infirmière Grethe et dis-lui merci de la part de milliers d’hommes inconnus habillés de vert ou de kaki.
    La petite Margaret fut pendue un jour de mai 1945, et elle mourut aussi bêtement qu’elle avait vécu, au nom de la morale et à cause de trop nombreux rapports. Qu’elle repose en paix, elle n’est pas la seule dans ce cas.
    De notre côté, nous avions trouvé le moyen de couper au déblaiement et jouions aux cartes à la cave, chez l’infirmier Peters.
    – Car, disait le petit légionnaire, si nous aidons au déblaiement, nous aidons en même temps les gens que nous haïssons.
    Peters gagnait ; il nous bourrait de saucisson arrosé d’alcool à 90°dilué avec de l’eau, nous étions heureux, nous

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