Camarades de front
camarades ! – En chantant ils allaient vers les unités de formation. « Il est si beau d’être soldat ! » Vive la grande Allemagne, vive Adolf Hitler, et vive la mort des héros !
« Beau Paul » flânait toujours, on le voyait partout. Quand il traversait une période d’ennui, il faisait venir deux femmes pour « la visite ». Cela durait un certain temps, puis, un peu rouge et fatigué, Paul Bielert quittait la « Criminelle ». Les filles « visitées » étaient relâchées. Tout se paie.
Il y eut un nouvel assassinat de femme, trois jours plus tard, à quelques mètres de la Reepers-bahn, dans la Hein-Hoyerstrasse, pas loin de l’hôpital. Le Knimdnalrat Paul Bielert faillit devenir fou. Emmenant une douzaine d’experts, il les lâcha comme une meute en les menaçant de tout l’enfer.
– Et ne vous montrez plus, tas d’empotés, avant d’avoir un résultat ! Vous avez cinq jours, pas une seconde de plus. Ou ce sera la division S. S., secteur central du front de l’Est. Vous pourrez y crever réglementairement dans les marais.
Deux par deux, les limiers disparurent du bâtiment gris de la Karl Muck Platz. Le sixième meurtre fut celui d’une infirmière de notre hôpital, une jeune fille de vingt et un ans. Elle avait été violée comme les autres, et sa culotte également avait disparu.
La morale étriquée d’une mère stupide fut en partie la cause de ses crimes. Il assassinait pour faire le bien, croyant acquérir des mérites.
Tout ce qu’on lui avait raconté était resté gravé en traits de feu dans son cerveau malade, brouillant son entendement. Mais personne ne s’avisa de le comprendre.
Nous aussi nous étions des assassins, mais des assassins en service commandé, ce qui est tout différent… sauf pour les assassinés, naturellement !
LE TUEUR DE FEMMES
CE fut Hans Bauer qui trouva les culottes. Cette trouvaille donna lieu, comme bien l’on pense, aux plaisanteries les plus graveleuses jusqu’au moment où Stein nous mit le journal sous le nez.
Il s’agissait d’un nouveau crime. Encore une femme. Le cadavre, comme ceux des précédentes victimes, avait été dépouillé de sa culotte par un meurtrier vraisemblablement sadique.
– Enfer ! s’écria Bauer.
Il regarda avec ahurissement le sac où il venait de dénicher les culottes qu’il compta fébrilement : six ! Nous demandâmes à vérifier, même résultat. Le petit légionnaire siffla.
– Saperlotte ! Six culottes et six cadavres, les comptes tombent terriblement justes !
Petit-Frère allongea le cou et jeta un œil dans le vaste sac posé par terre à côté du lit. Il contenait quelques paquets de biscottes de seigle et un peu de linge d’aviateur plié réglementairement, l’aigle bien en vue.
– Comment les as-tu trouvées ? demanda Petit-Frère en poussant le sac du pied.
Hans Bauer tourna la tête : – Quelle merde d’avoir été fourrer mon nez là-dedans ! Je cherchais de quoi écrire et j’ai senti quelque chose de lisse, voilà !
– Tu mens ! décida Petit-Frère. La vérité, c’est que tu as reniflé ces housses à plaisir et que tu as farfouillé dans le sac de Georg.
Il n’y avait dans la pièce que nous cinq. Tous les autres étaient de corvée ou à la visite du médecin.
– Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda Bauer avec stupeur.
– Tu veux dire qu’est-ce que tu vas faire ? rectifia Stein. C’est toi qui as trouvé ça, pas nous. Nous, on ne fouille pas dans les affaires des autres.
Bauer rit méchamment et leva un doigt aussi accusateur que malpropre.
– Tu parles ! C’est peut-être pas toi qui as chauffé le schnaps à Petit-Frère pendant qu’il était au bordel ? Hein ? Tu ne dis plus rien, gros cul !
Petit-Frère bondit, furieux. Il saisit Stein par le col et cria en postillonnant : – Cochon ! C’est vrai que tu m’as volé ?
Stein suspendu aux poings du géant bafouillait, l’air effondré.
– Un voleur de copains ! Quelle saloperie ! – Il secouait Stein dont la tête bringuebalait et le lâcha avec un juron : – Tu vas me rendre en vitesse trois bouteilles que tu voleras à qui tu veux. Mais en vitesse, t’as compris ! – Il prit une culotte et la renifla. – Elles puent encore la femme.
– Ta gueule ! dit le légionnaire en se tournant vers Bauer affalé sur son lit. Quelle est ton idée ? Envoyer un mot à la Criminelle ?
– Kripo ! – Bauer sursauta : – Tu es fou ?
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