Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
croyance des Celtes et
leurs étranges rituels le long des rivages de cette Bretagne indéfinissable
dont le centre était partout et la circonférence nulle part.
Mais j’en étais encore à explorer le Morbihan profond, parfois
même dans des endroits impossibles à découvrir. Je me souviens d’avoir demandé
des dolmens qui n’existaient plus depuis au moins cent années, d’avoir pris des
éboulis de rochers pour des mégalithes, de m’être extasié devant des cupules
sur des rocs, et qui n’étaient en fait que des résultats de l’érosion. Une fois,
une vieille femme, qui ne comprenait pas ce que pouvait être un dolmen, finit
par s’exclamer : « Ah ! vous voulez parler des pierres que la
fée a apportées dans son giron ! » Belle histoire en vérité, et qui
témoigne de la permanence des mythes en milieu rural. Mais de ces explorations
patientes surgissait une image, toujours la même : celle de la Déesse mégalithique,
celle que les archéologues appellent l’ Idole en forme d’écusson, qui
trône dans les monuments de Locmariaquer, mais qu’on retrouve un peu partout, y
compris dans la région parisienne, notamment à Changé-Saint-Piat, près de
Chartres, dans une vallée de l’Eure où la civilisation mégalithique a nettement
servi de support à un culte druidique attesté par des textes historiques. Cette
image de la Déesse des Tertres me hantait. Mêlant à mes observations le
légendaire celtique le plus archaïque, en puisant notamment dans les récits de
l’Irlande païenne, j’établissais des équivalences, tout au moins des analogies.
Je retrouvais la forme du Graal dans la chambre funéraire de Gavrinis. Je
peuplais les allées couvertes de fantômes tout droit surgis de la Bataille
de Mag-Tured, cette étrange épopée qui met en scène les péripéties de la
lutte des dieux Tuatha Dé Danann (les gens de la déesse Dana, toujours sainte
Anne…) contre les géants Fomoré, incarnation des forces inquiétantes d’un
au-delà aux colorations sulfureuses. À vrai dire, j’espérais bien, un soir de Samain, c’est-à-dire pendant la nuit du 31 octobre au 1 er novembre, parvenir
à découvrir « l’entrée secrète au palais fermé du roi », qui me permettrait
d’errer à loisir dans les plaines merveilleuses et les vergers odoriférants de
Tir-na-nog, ce « Pays de la Promesse » qui est le monde d’ à-côté, le
monde parallèle au monde des apparences du quotidien, là où les
fruits sont mûrs toute l’année, où il n’y a ni maladie, ni faiblesse, ni
chagrin, ni mort, mais un éternel été parcouru par les danses de Morgane et de
ses sœurs, dernières apparitions de la Déesse mégalithique.
J’écrivis sur tout cela un article, qui n’était point
tellement mauvais, et qui fut publié dans Le Surréalisme même, la revue
que dirigeait alors André Breton. Je l’avais intitulé « Soleil des Tertres »,
bien persuadé que la Lumière, la lumière réelle de l’esprit, était enfouie
quelque part dans l’intérieur de ce que les Anglo-Irlandais appellent des fairies-mounds, et les puristes gaëls des sidhs, ce dernier mot signifiant la « paix ».
Après tout, Prométhée, lors du second rapt du feu, celui qu’il a légué aux
humains, est allé le chercher dans l’univers souterrain d’Héphaïstos, et non
pas dans la brumeuse Olympe de son vieil ennemi Zeus. Et j’avais déjà le
sentiment que la soi-disant « déesse funéraire des tertres », certes
protectrice des défunts, était aussi et avant tout la Déesse de Lumière, la
Femme-Soleil que, depuis lors, j’ai retrouvée sous les traits historicisés d’Yseult
la Blonde et de son prototype irlandais Grainné, dont le nom provient de grian, terme signifiant simplement « soleil ». Oui, le soleil, le soleil
réel brille au fond des tertres. Et c’est à la poursuite de ce soleil que je me
lançais éperdument. Et, à Locmariaquer, dans l’allée couverte qu’on appelle
Mané Lud (et qui signifie « Tertre de la Cendre »), dont les supports
intérieurs sont constellés de barques stylisées, de vagues et de soleil, j’apercevais
volontiers l’image du dieu Lug, celui qui porte une Longue Lance, le Multiple
Artisan, et dont le visage rayonne de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Il
faut bien rêver : c’est le rêve qui conduit à la découverte des réalités
profondes.
Et ce fut aussi la découverte de Gavrinis. Pour moi, les
alignements de Carnac ne
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