Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
ferment et me permit, pendant ces années
folles, de fixer mon regard sur ces racines ignorées ou mal connues de notre
civilisation. Je rêvais d’organiser des expositions où les gravures
mégalithiques le disputeraient aux plus audacieuses tentatives de la peinture
et de la sculpture contemporaines. Je rêvais d’écrire des livres sur le message
des hommes du Mégalithisme.
Mais si l’art des gravures exerçait sur moi un tel
envoûtement, je n’en oubliais pas pour autant les grands ensembles architecturaux
que cette mystérieuse tradition a pu susciter. Nous explorions régulièrement
tous les alignements de Carnac, et non plus seulement le Ménec : j’avais
une prédilection pour ceux qui se trouvent tout à l’est, ceux de Kerlescan, perdus
dans la verdure, plus profonds peut-être, et en tout cas moins visités. Mais
nous n’oubliions pas ceux de Kerzhero, à Erdeven, coupés en partie par la route,
et qui offrent quelques beaux spécimens de gigantisme. Et près de là, ce qu’on
appelle très stupidement la Pierre du Sacrifice n’est qu’en fait un grand
menhir tombé, au milieu d’une débâcle de pierres victimes du temps et des
intempéries, mais entouré de chênes, ce qui ajoute à l’aspect faussement
druidique de l’enceinte sacrée.
Mais si c’est dans le Morbihan que se trouve la plus forte
concentration d’alignements de menhirs, il ne faut pas croire qu’il n’y en a
pas ailleurs. Carnac n’est que le modèle le plus représentatif et aussi
certainement le mieux conservé de ce genre de temple en plein air. Nous allâmes
donc rôder dans les alignements de Lagatjar, au-dessus de Camaret, dans le
Finistère, non loin du tragique manoir du poète Saint-Pol Roux. Nous allâmes
serpenter le long des sinuosités de Médréac, à la limite de l’Ille-et-Vilaine
et des Côtes-du-Nord, dans un pays de bocages et de landes. Nous nous égarâmes
sur la lande de Cojoux, parsemée de mégalithes, près de Saint-Just, en
Ille-et-Vilaine, sur la vallée de la Vilaine. Non loin de là, il y a aussi un
petit alignement qu’on nomme « les Demoiselles de Langon ».
Et à Langon, dans une petite chapelle dédiée à sainte Agathe,
patronne des nourrices, et qui est un ancien temple gallo-romain récupéré par
les premiers chrétiens, on peut voir une remarquable fresque représentant Vénus
nue sortant des flots. Synthèse des religions ? Permanence des cultes ?
Sûrement. Mais l’image obsédante de la Déesse des Commencements est toujours
présente auprès des monuments mégalithiques. Locmariaquer, la paroisse sur le
territoire de laquelle se trouvent le plus de représentations de la déesse
mégalithique, ne porte-t-elle pas un nom significatif ? Lok, le « lieu
des moines », le « monastère », Maria, « Marie », ker, ville : n’est-ce pas là la ville du monastère de Marie ? N’est-ce
pas un sanctuaire, consacré depuis des temps immémoriaux, au culte de la Vierge
Mère, qu’elle se nomme Anna, Dana, Dôn ou Marie ? D’ailleurs, non loin du
bourg, toujours à Locmariaquer, on peut voir une butte artificielle – qui n’est
pas une allée couverte, mais une chambre funéraire souterraine – portant l’appellation
de Mané-er-Hroëck, ce qui, dans le dialecte local, signifie « Tertre
de la Sorcière ». La sorcière, ou la fée, est bien souvent la dernière
figuration de la Déesse des Commencements. Et dans cette chambre funéraire du
Mané-er-Hroëck, on peut remarquer un pilier – en réemploi, car il est plus
ancien que le monument lui-même – qui comporte une étrange gravure représentant
la fameuse idole néolithique en forme d’écusson. Vraiment, tout se tient, à l’ombre
de sainte Anne, grand-mère de Jésus, un peu plus loin dans les terres, mais qui
surveille, de sa haute statue, les chemins qui mènent à Carnac.
Il y eut ensuite des années où les mégalithes ne m’inspirèrent
plus qu’une simple curiosité. J’estimais que, ne pouvant aucunement prétendre
en connaître la signification et la portée exactes, je devais les laisser où
ils étaient, c’est-à-dire sur leurs lieux d’origine. En fait, j’avais l’impression
que c’était seulement un but de promenade. Je ne manquais d’ailleurs pas d’amener
mes amis visiter les alignements de Carnac. J’avais établi mon
circuit, surtout pour ceux qui ne les avaient jamais vus ou qui n’en avaient qu’une
connaissance imprécise. Je faisais débuter la visite par
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