Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
les moyens d’investigations que l’archéologie
moderne a suscités et mis au point. Et encore faudrait-il ne pas oublier la réutilisation de ces monuments mégalithiques par les envahisseurs successifs de l’extrême
Occident, les Celtes en particulier : on s’aperçoit alors que le problème
de la « civilisation » des constructeurs de mégalithes est loin d’être
simple, et qu’on n’en peut donner des explications qu’après avoir sûrement
considéré les tenants et les aboutissants, les temps et les lieux, les
variantes des monuments, leurs emplacements, les influences diverses qui
peuvent s’y manifester, les modes et les techniques qui ont présidé à
leur élaboration.
C’est dans cet état d’esprit que je poursuivis mes
investigations sur le monde mégalithique. En Irlande, j’allai me perdre sous le
tertre de New-Grange, si célèbre par les nombreuses légendes mythologiques qui
s’y trouvent localisées : c’est le palais des Dieux et des Héros, c’est l’Autre
Monde dans ce qu’il a de plus secret et de plus exaltant. Je constatai alors
que dans la chambre centrale de New-Grange, si étrangement décorée de piliers
où brillent d’étonnantes spirales, la construction est agencée de telle sorte
qu’aucune goutte d’eau, aucune trace d’humidité ne peuvent filtrer de la voûte
en encorbellement, tellement l’assemblage des pierres est parfait. Par contre, j’ai
pu constater que le jour du solstice d’hiver, le premier rayon du soleil levant
réussit à franchir un couloir tortueux et encombré pour frapper une pierre qui
se trouve au centre même du sanctuaire, au milieu de la chambre dite funéraire.
Ce ne peut être une coïncidence. Et les spirales de New-Grange, que je persiste
à nommer sidh de Brugh-na-Boyne, demeure du dieu Oengus, et où se
déroulent tant d’étranges aventures mythologiques, me hantèrent
longtemps, à l’égal des chevelures que je voyais sur les supports de Gavrinis.
L’Irlande était particulièrement propice à l’élargissement
de mon regard sur la « civilisation mégalithique ». Jamais, en nul
autre pays, les allées couvertes et les dolmens n’ont été réutilisés avec
autant de fidélité par les envahisseurs successifs. Les Celtes y ont placé la
demeure de leurs divinités, et les premiers Chrétiens se sont bien gardés de
les détruire : lorsqu’ils ne pouvaient les extirper de la mémoire du
peuple, ils ont dû se résoudre à les christianiser, en édifiant des ermitages
sur leur emplacement, ou bien en en faisant le domaine infernal, purgatoire ou
enfer proprement dit. Il est vrai que très souvent, les antiques divinités du
paganisme se retrouvent soit des « saints » dans l’hagiographie
celtique, insulaire ou continentale, soit des diables, ou simplement des
gardiens de l’Autre Monde chrétien, veillant jalousement sur le Gué des Âmes, mais
ne permettant plus aux gens qui sont de l’autre côté de revenir sur la
terre des humains. Il faudra attendre la Quête du Graal pour que la
communication se rétablisse : les héros pourront alors franchir impunément
les portes de l’Enfer, et en revenir, porteurs d’un peu de la lumière qui y
brille toujours avec autant d’intensité.
Je vis également les gravures tourmentées de Knowth, de
Dowth et de Lough-Crew, ces autres tertres qui n’ont pas fini de livrer leurs
mystères. Je vis les dolmens à peine distincts du sol qui les a vus naître, en
ce Burren étonnant, vaste désert de calcaire aux anfractuosités riches
de végétations exotiques, près du port de Galway, où se rassemblent des
centaines de cygnes qui sont, chacun le sait en Irlande, les messagers de l’Autre
Monde, tout au moins des femmes-fées qui vont de tertre en tertre, entraînant
avec elles, au passage, les téméraires qui sont tombés amoureux de leur plumage
immaculé. J’ai vu des menhirs isolés dans les monts du Kerry, près des étranges
croix celtiques – qui sont évidemment des formes plus récentes de pierres
levées – de la presqu’île de Dingle, non loin des ermitages en
pierre sèche que la tradition attribue aux premiers saints, dont « saint »
Brendan, le Bran mac Fébal de la tradition païenne, qui s’en alla sur la mer à
la recherche de la Terre des Femmes, l’ Émain Ablach des légendes, autrement
dit Avalon, l’île des Pommiers, ou encore dans ce Connemara de rêve, quand la
brume s’accroche aux murs de pierre sèche, ou encore dans
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