Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
fin du monde. Dans les Monts d’Arrée, près
de Berrien (Finistère), le menhir de Kerampeulven n’est pas aussi imposant par
sa taille, mais il impressionne par son aspect général. Et le
nom de Kerampeulven est tout à fait significatif : la « ville du
pilier de pierre ». Il faut préciser que le terme peulvan ou peulven
a été fréquemment utilisé à partir du début du XVII e siècle pour
désigner les « pierres levées ». Dans la seconde édition de son
célèbre dictionnaire, en 1752, Dom Louis Le Pelletier, savant connaisseur des
antiquités de la Bretagne armoricaine et témoin irremplaçable de la tradition
celtique telle qu’elle était encore vécue à l’époque, précise sa pensée à ce
sujet sous forme de question : « Nos anciens n’auraient-ils pas
planté ces pierres pour objets de quelque culte, ou cérémonie religieuse, en
guise d’idoles ? » On ne peut que penser à la phrase de Jules César
dans ses Commentaires de la Guerre des Gaules à propos du dieu
gallo-romain Mercure – en fait, le Lug de la tradition irlandaise – qui est, au
premier siècle avant notre ère, représenté par de nombreux simulacra, c’est-à-dire
des piliers de pierre ou de bois non anthropomorphiques » [16] .
Il est impossible d’être complet en ce domaine. La péninsule
armoricaine fourmille de menhirs. Et il est probable que dix fois plus de
pierres actuellement debout ont été abattues au cours des siècles, soit pour
être débitées et réutilisées dans la construction des maisons, soit par
réaction du clergé catholique inquiet de voir survivre des superstitions qui
sentaient vraiment trop le soufre pour être récupérées ou simplement tolérées.
Certains menhirs cependant présentent des particularités, notamment
des gravures en creux ou en relief. C’est un phénomène très rare, mais il est
difficile de pouvoir en tirer des conclusions définitives. En effet, les
menhirs, contrairement aux supports des dolmens qui sont à l’abri de l’air et
enfouis sous des tertres, sont exposés à toutes les intempéries, et il est
impossible de préciser si telle ou telle pierre levée a comporté autrefois des
signes gravés, ou même si elle avait une vague forme anthropomorphique : l’érosion
a joué son rôle ; la pluie, le gel, la chaleur ou la foudre ont fait des
ravages sur les mégalithes, tout au moins sur l’extérieur de ces mégalithes.
Néanmoins, certains monuments sont remarquables par leur « ornementation »
qui est plutôt une sorte de « sacralisation ». À Carnac même, le
menhir du tertre du Manio comporte des signes serpentiformes parfaitement
visibles. Le menhir de Kermarquer en Moustoirac (Morbihan), sur la crête des
landes de Lanvaux, comporte plusieurs crosses gravées en relief, et, sur ce
menhir, on peut observer des traces flagrantes d’autres gravures qui sont à
moitié effacées par les intempéries. Il faut d’ailleurs noter que, dans
certains cas, les Chrétiens ne se sont pas fait faute de récupérer les menhirs
en y gravant des symboles appartenant à la nouvelle religion : le célèbre
menhir de Saint-Duzec, en Pleumeur-Bodou (Côtes-du-Nord), en est un témoignage
accablant.
Mais, pour en revenir à la période mégalithique proprement
dite, il est intéressant de remarquer cette « sacralisation ». Elle
joue pour certains monuments à l’exclusion des autres, ce qui doit indiquer une
destination particulière pour la pierre concernée. Malheureusement, nous n’avons
pas l’explication ni le code, et nous en sommes réduits aux hypothèses, les
plus folles soient-elles. Pourquoi y a-t-il des serpents parfaitement reconnaissables
sur le menhir du Manio ? Pourquoi y a-t-il des crosses sur le menhir de
Kermarquer ? Pourquoi y a-t-il des haches sur le menhir de Saint-Denec en
Porspoder (Finistère), actuellement couché, mais qui présente nettement ces
figurations en relief ? « Les motifs figurés sur ces monuments se
retrouvent sur les parois des dolmens à couloir, et notamment les crosses sur
les dolmens de type ancien. C’est un excellent élément complémentaire de
datation des menhirs qui montre que cette catégorie de monuments est à peu près
aussi ancienne que les sépultures mégalithiques ». [17]
Mais, répétons-le, les alignements de Carnac sont beaucoup
plus récents que les tertres tumulaires et les menhirs isolés et doivent correspondre
à une profonde évolution de la civilisation
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