Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
immobile a excité la curiosité des
chroniqueurs de l’Antiquité. Le Grec Polybe, généralement prudent et sérieux, attaque
à ce sujet le navigateur phocéen Pythéas qui reste le plus connu des
informateurs de ces chroniqueurs. Voici ce qu’il dit : « Pythéas a
trompé le public à propos de Thulé et des pays voisins, en affirmant qu’il n’y
a ni terre, ni mer, ni air dans ces parages, mais un mélange de tous les
éléments, assez semblable à un poumon marin, et en plaçant enfin et la terre et
l’air et la mer au-dessus de ce poumon dont il fait le lien de toutes
ces parties sans qu’il soit possible de naviguer sur cette matière ou d’y
marcher » (Polybe, XXXTV, 5). Même si Polybe n’y croit pas, le détail est
bien curieux. De quoi s’agit-il exactement ? Il est difficile de le savoir.
Pline l’Ancien ne manque pas au rendez-vous. Il parle en effet d’une île « où,
le printemps, l’ambre est rejetée par les flots ». C’est dans l’océan
septentrional qu’Hécatée appelle Mer Amalchéenne, là où il baigne la Scythie, ce
nom signifiant « congelée » dans le langage de ces peuples. Philémon
prétend qu’elle est appelée par les Cimbres marimaruse, c’est-à-dire « mer
morte » (Hist. nat., IV, 27). La référence à l’ambre pourrait faire
croire que cette « mer morte » se trouve dans la Baltique, mais rien
n’est moins sûr. En effet le mot « Scythie » prête à confusion dans
la terminologie gréco-latine, car il désigne parfois l’Irlande (Scotie, pays
des Scots, terme qui sera ensuite déplacé sur l’Écosse). Il en est de même pour
le mot « Cimbres » : chez certains auteurs de l’Antiquité, il
désigne les Celtes. D’ailleurs, le mot marimaruse est indubitablement
celtique et signifie réellement « mer morte ».
Il résulte de tout cela qu’il y a eu, quelque part au
voisinage des îles Britanniques, soit au large de l’Irlande, soit entre l’Écosse
et le Jutland, une catastrophe naturelle qui a occasionné, peut-être pendant un
temps limité, la formation d’une mer encombrée de limon et impropre à la
navigation. Les auteurs grecs et latins en font mention. Les Celtes, comme nous
le verrons, en ont gardé le souvenir, celui-ci réapparaissant dans le
légendaire avec l’histoire de la ville d’Is et d’autres contes du même type en
Irlande et en Grande-Bretagne. S’agit-il vraiment de l’Atlantide ?
Revenons à Platon qui est notre source la plus complète et
la plus ancienne. Dans son Critias, il s’étend complaisamment sur tout
ce qui concerne l’Atlantide. Malheureusement, le manuscrit où se trouve le Critias est lacunaire, toute la fin manquant, interrompant ainsi ce que Critias
raconte à Socrate d’après les dires de Solon. Critias prend donc
la parole : « Remarquons d’abord que, selon la tradition égyptienne, il
y a neuf mille ans qu’il s’éleva une guerre générale entre les peuples qui sont
à l’occident des Colonnes d’Hercule et ceux qui sont en deçà… Athènes, notre
patrie, fut à la tête de la première ligue. Elle acheva toute seule cette
guerre, la ligue adverse était dirigée par les Atlantes. »
C’est la confirmation du Timée. Mais, si l’on
comprend bien, les Atlantes n’étaient point seuls dans cette guerre, puisqu’ils
étaient à la tête de « la ligue adverse ». Il est possible qu’ils
aient entraîné avec eux les peuples qu’ils avaient déjà soumis. C’est une
pratique qui s’est souvent vérifiée au cours des siècles. Puis Critias confirme
d’autres données : « Nous avons déjà dit que cette île (l’Atlantide) était
plus grande que l’Asie et la Libye réunies, mais qu’elle a été submergée par
des tremblements de terre, et qu’à sa place on ne trouve plus qu’un limon qui
arrête les navigateurs et rend la mer impraticable. » Suivent les
réflexions sur la situation à Athènes, en ce temps-là, et un récit mythologique
selon lequel les grands dieux se partagèrent la terre : « Ce partage
eut lieu sans contestations car il serait absurde de croire qu’ils eussent
ignoré ce qui convenait à chacun d’eux ». Passons sur la fondation mythique de la cité athénienne, et venons-en tout de suite à la description de l’Atlantide.
Critias fait d’abord une remarque de toute première importance :
« Je dois vous prévenir qu’il ne faut pas vous étonner de m’entendre souvent
donner des noms grecs à des
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