Cathares
arrivé. Et aussi visiter les lieux qu’ils ont habités.
— Vous ne pouviez pas mieux tomber que chez moi, s’exclama Chenal en levant les bras, emporté par son enthousiasme. Ce n’est pas pour rien si mon hôtel s’appelle les Albigeois. Tenez, suivez-moi !
Le Bihan finit son verre et se dit que l’ivresse qu’il sentait poindre en lui l’aiderait peut-être à poser des questions indiscrètes. L’hôtelier l’invita à le suivre dans une autre pièce, à l’arrière de la salle à manger. Elle était décorée d’une grande table de bois massif, de trois fauteuils à l’aspect confortable malgré leur assise un peu défoncée et d’une bibliothèque dont les rayonnages étaient remplis de livres classés par thèmes : histoire, architecture, religion.
— Regardez, ici se trouvait le salon. Mais au fil des années, j’ai accumulé tellement de livres que j’en ai fait la bibliothèque de l’hôtel. Libre à vous de vous y installer et de consulter tous les ouvrages que vous voulez.
Et Chenal ajouta sur un ton qui se voulait solennel :
— Une grande partie de la mémoire cathare se trouve contenue dans ces pages. Certains volumes sont même devenus introuvables !
— Et les lieux ? demanda Le Bihan. Je voudrais aller à Montségur.
— Vous avez de la chance, répondit Chenal avec enthousiasme. J’ai passé toute mon enfance à jouer dans les ruines de la forteresse ! Je vous composerai un itinéraire dont vous me direz des nouvelles. Vous savez, les touristes ont l’impression de tout visiter, mais ils passent souvent à côté des véritables trésors. A propos de trésor, parlons des choses importantes : vous voulez dîner à quelle heure ?
— Euh, huit heures, c’est bon ?
— C’est comme si c’était fait. Bon, j’arrête de vous embêter et je vous laisse vous installer. Je vous ai réservé une belle chambre avec vue sur le massif montagneux. Vous m’en direz des nouvelles !
En grimpant les escaliers, Le Bihan se sentit de bonne humeur. Peut-être était-ce l’effet du calva, mais il se dit qu’il ne risquait rien à poser la question qui lui brûlait les lèvres.
— Vous avez connu Otto Rahn ?
Chenal ralentit légèrement le pas avant de se retourner pour lui répondre.
— Ce pauvre Otto ! Eh oui, il y en pas mal qui se sont brûlé le cerveau à force de vouloir percer le secret des bûchers des hérétiques. Vous avez parlé de lui à Ussat ? Je comprends mieux pourquoi ils ont voulu se débarrasser de vous ! Ne vous en faites pas, je vous raconterai ce que je sais à son propos. Tenez, voici les clés. La douche se trouve au fond du couloir, à côté des toilettes. Nous nous voyons à huit heures !
Le Bihan ne regretta pas d’avoir posé sa question gênante. Il examina la chambre. Un tableau était accroché au-dessus du lit. Cette fois, plus question de porteuse d’eau, il représentait une forteresse qui émergeait au-dessus des nuages, comme une nef de pierre accrochée entre le ciel et la terre. Sur la petite plaquette de cuivre clouée au bas du cadre étaient gravés trois mots : « Forteresse de Montségur. »
18
En cette fin de journée, la fourgonnette roulait à belle allure sur la petite route. Elle avait déjà dépassé Niaux, Capoulet, Cabre et n’était plus à présent très éloignée du célèbre site préhistorique de Vicdessos. Dans la cabine de la Renault Juva 4, les deux hommes ne s’étaient pas adressé la parole depuis leur départ. Ce fut le chauffeur qui rompit le silence.
— Il s’en est fallu de peu cette fois-ci !
— Pas du tout, s’exclama l’autre qui continuait à lire son journal. Nous contrôlons parfaitement la situation.
— Je veux seulement dire que si nous étions arrivés quelques minutes plus tard, il aurait eu le temps de lui parler.
— Et alors ? poursuivit l’autre en pliant sa gazette. Au lieu de tirer une flèche, j’en aurais tiré deux et l’affaire aurait été réglée.
Le chauffeur regretta d’avoir entamé la conversation. Il se dit qu’il valait mieux flatter son compère qui n’admettait jamais la moindre contestation.
— En tout cas, bravo pour ta précision. Comme toujours, tu t’es révélé un redoutable tireur !
— Oui, maugréa-t-il. Tant qu’il nous obligera à utiliser de telles armes, je serai obligé de continuer à jouer les Robin des Bois.
— Tu sais bien que cela fait partie des règles.
— Ouais.
La fourgonnette
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