Cathares
état !
— Eh bien, le laïcard te félicite, répondit Le Bihan en souriant. Pour une fois, ce soir, je n’aurai pas envie de bouffer du curé. Au fait, que me proposes-tu pour assouvir mon péché de gourmandise ?
— Je connais un petit hôtel sympathique, répondit Chenal sur le même ton. Il ne paie pas de mine, mais tu m’en diras des nouvelles. Il paraît même qu’il y a de la volaille aux truffes au menu ce soir !
— Alors, que Dieu me pardonne, mais je vais céder à la tentation, s’exclama joyeusement Le Bihan.
Les deux hommes avaient repris place à bord de l’automobile qui les menait vers l’hôtel des Albigeois. Le Bihan regardait le paysage qui défilait à belle allure par la fenêtre et était très satisfait de sa journée. Non seulement, il avait appris beaucoup de choses, mais en plus, il était heureux d’avoir passé ces moments avec Chenal. Il avait appris à mieux connaître un homme dont la chaleur dépassait de loin la simple attitude d’un commerçant attentif au bien-être de sa clientèle. L’hôtelier possédait une fibre humaine qui réchauffait le coeur et il avait même réussi, le temps de leur promenade, à chasser les idées noires de l’esprit de Le Bihan. Comme s’il était capable de lire dans ses pensées, il l’interrogea à ce moment précis.
— Alors, elle t’a plu, notre promenade ?
— C’était passionnant ! répondit Le Bihan avec entrain. Si tu en as assez de l’hôtellerie, tu peux sans problème envisager une carrière de guide touristique !
Chenal tapota sur son volant avec satisfaction.
— Tu sais que tu n’es pas le premier à me le dire. Il faudrait que je songe sérieusement à organiser des visites guidées de la région pour les clients qui le souhaitent. Le tourisme doit évoluer. Nous aussi, nous devons nous mettre au goût du jour !
— Comme Rahn à son époque ? demanda Le Bihan.
Chenal était surpris par la question de son passager.
Mais il prit le temps de réfléchir un instant avant de lui répondre.
— Pour être honnête, je pense que la région n’a jamais connu pire hôtelier qu’Otto Rahn. Il n’est venu ici que dans l’espoir de prouver ses théories fumeuses. Les Marronniers n’étaient qu’un prétexte qui lui a d’ailleurs coûté très cher !
— Que penses-tu des quatre Parfaits qui se seraient échappés avant la prise de Montségur ? dit alors Le Bihan.
Une fois de plus, l’hôtelier réfléchit avant de répondre. L’opinion qu’il allait délivrer n’était pas improvisée, elle reposait sur de longues années de lecture et d’expériences vécues dans la région. Il finit par lui confier son intime conviction.
— J’ai toujours eu envie de croire à cette histoire ! Tu vois, cette région est réputée pour ses nombreuses caches, idéales pour abriter les fugitifs. Alors, pourquoi cela n’aurait pas été le cas des Cathares ? Ils n’étaient pas plus bêtes que les autres, non ? Certains ont bien dû en réchapper ! Et toi, tu en penses quoi ?
— Moi, je continue à me demander si Rahn avait découvert quelque chose à propos de ces quatre fugitifs. Si son secret n’était pas étroitement lié à cette fameuse nuit du 15 au 16 mars 1244 où des hommes ont peut-être soustrait le trésor à leurs assaillants.
— Tu veux parler du Graal ?
— Oui ou quelque chose d’assez important pour ne tomber à aucun prix entre les mains de leurs ennemis. Quitte à échapper à une mort qui ne leur faisait pas peur et qu’ils auraient voulu partager avec leurs frères.
La discussion se poursuivait encore quand la voiture atteignit sa destination. Chenal la gara dans la cour de son hôtel, mais il n’en sortit pas tout de suite. Il voulait ajouter quelque chose.
— Je ne sais pas si Rahn a réussi à percer ce mystère. En fait, il a disparu aussi mystérieusement qu’il est apparu. Je pense que c’était surtout un affabulateur ! Il en a raconté des histoires dans le coin et je peux t’assurer qu’il n’a pas laissé un bon souvenir à ceux qui l’ont croisé. D’ailleurs, tu as dû t’en rendre compte. Même ceux qui l’ont côtoyé de près hésitent aujourd’hui à parler de lui.
— Quatre hommes, répondit Le Bihan, comme s’il était perdu dans ses pensées. Quatre Bons Hommes s’échappent. Quatre écus, quatre blasons. Et si c’était quatre lieux ? Oui, c’est cela, quatre lieux...
— Pardon ? le coupa Chenal. Là, tu
Weitere Kostenlose Bücher